Non, les évènements dans cette vidéo ne se sont pas déroulés récemment à Abidjan
#BenbereVerif : la radio, un des vecteurs de désinformation au Mali ?
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La désinformation n’est pas l’apanage des réseaux sociaux au Mali. D’autres canaux, comme les radios, s’en donnent à cœur joie.

Selon l’enquête démographique et de santé de 2018, après le téléphone, la radio est le deuxième bien le plus fréquemment possédé, précisément par 64% des ménages. Sans doute que ce chiffre augmente dans les zones rurales.

En 2012, alors que les réseaux sociaux n’avaient pas la place qu’ils occupent aujourd’hui, la radio a servi de moyen de diffusion d’informations infondées sur l’institution militaire – notamment ses équipements – qui a fini par renverser le régime d’Amadou Toumani Touré.

Un pays de tradition orale

La chute du régime de Moussa Traoré en 1991, pour l’instauration de la démocratie, a été accompagnée par l’explosion médiatique au Mali. La radio a été le premier média privé et a connu, par la suite, un essor rapide dans un pays longtemps assoiffé de liberté d’expression. Aujourd’hui encore, malgré le bouleversement des méthodes de communication avec les réseaux sociaux, la radio occupe une place prépondérante dans la diffusion des informations au Mali. Par là-même, elle est aussi un vecteur puissant de désinformation.

La place de la radio au Mali dans la diffusion des informations s’explique par une réalité socioculturelle – un pays de tradition orale – et par le faible taux d’alphabétisation au sein de la population. Selon Georges Attino, journaliste et formateur sur la transition numérique des radios, «c’est le média le plus consommé au Mali, parce qu’elle est aussi perçue par la population comme le seul canal qui rend l’information accessible et compréhensible ».

Le paysage médiatique malien, avec plus de 170 stations de radio privées, dont 121 sont communautaires, compte peu de journalistes professionnels. Ce manque de professionnalisme est criard à la radio. « On a beaucoup plus d’animateurs que de journalistes à la radio, explique Georges Attino. Des animateurs qui glissent dans les émissions politiques interactives en s’attribuant, sans aucune forme de transition, la casquette de journaliste. »

Transhumance des émissions radiophoniques

En juillet de 2022, dans la foulée de l’attaque ayant visé le camp Soundiata Keïta de Kati, revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), plusieurs cas de désinformation, de manipulations sur l’identité des assaillants, les supposés commanditaires ont été recensés sur des radios privées à Bamako et Koulikoro.

En outre, les données du rapport trimestriel de la Division des droits de l’homme de la mission de l’ONU au Mali (Minusma) sont aussi très souvent tronquées. Des animateurs, qui présentent juste une partie du rapport, celle sur les cas de violations perpétrées par les Forces armées maliennes (FAMa), tout en omettant ceux des groupes extrémistes violents. Ils font ainsi passer le rapport comme un document à charge contre les FAMa, et qui fait l’affaire des groupes extrémistes violents.

Déjà que les radios posent d’énormes défis sur le plan du monitoring des contenus, du contrôle de l’information par l’autorité de régulation, la transhumance des émissions radiophoniques vers les médias sociaux ajoute une nouvelle dimension à leur pouvoir.

L’autorisation d’ouvrir une radio s’accompagne par la délimitation de la zone de couverture, contournée au moyen des réseaux sociaux. Des émissions organisées par le truchement des pages Facebook sont retransmises en direct sur les antennes des radios privées. Ou encore des radios privées ont recours à ces outils pour augmenter l’audience de leurs émissions. « On ne peut réguler l’expansion des radios sur Internet. En plus d’être un outil puissant pour accroitre l’audience, c’est aussi un outil commercial pour négocier des contrats de publicité », ajoute Georges Attino.

« il faut dire ce que les auditeurs et les autorités veulent entendre »

Sur les réseaux sociaux, certains utilisent une technique bien connue, consistant à s’attaquer ou se porter défenseur d’une personnalité physique ou morale en espérant se faire connaitre auprès d’elle. Plusieurs émissions radiophoniques dites de débat ou d’information font exactement la même chose.

Ces hommes et femmes deviennent célèbres avec leurs émissions et se font inviter dans les grandes cérémonies, conférences juste parce qu’ils ont de l’audience. Et « c’est l’audience qui nous fait vivre et maintient nos émissions à la radio », explique un animateur d’une émission de débat politique dans une radio privée bamakoise. Et pour avoir de l’audience, « il faut dire ce que les auditeurs et les autorités veulent entendre », renchérit-il. Et M. Attino d’ajouter : « Les auditeurs ont des prédispositions, des pré-acquis face à certains types d’informations. » Des radios jouent là-dessus pour engranger de l’audience et, par la même occasion, s’adonner à de la désinformation.

A titre d’illustration : dans des émissions diffusées via des pages Facebook, interviennent très souvent des activistes aux principes volatils se présentant comme dirigeants de mouvements qui soutiennent la transition. Sans aucune expertise reconnue, ils s’expriment sur des questions de défense et de sécurité et sont à l’origine de beaucoup de manipulations et de contre-vérités.

« Le regain des fausses informations est déplorable et c’est dans tous les domaines. A la radio, on ne sait pas qui nous écoute, et je ne considère pas ceux qui s’adonnent à la diffusion des fausses informations comme des journalistes », conclut, pour sa part, le président de la Maison de la presse, M. Bandiougou Danté.

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