Au Niger, le sort précaire de Moussa Tchangari et des voix discordantes
#BenbereVerif : les « vidéomans », entre influence et désinformation
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Les activistes sur les réseaux sociaux, appelés « videomans », se sont imposés comme des voix influentes dans les débats, en particulier dans les contextes de crise politique et sécuritaire. Leur influence s’accompagne parfois de dérives : propagation de fausses informations, discours polarisants et, dans certains cas, attaques verbales contre des chefs d’État étrangers.

Avec l’essor des réseaux sociaux, des activistes ont su utiliser ces plateformes comme outils de mobilisation. En 2020, certains ont relayé des contenus accusant le régime d’Ibrahim Boubacar Keïta de corruption, sans toutefois toujours fournir des preuves solides. Entre 2020 et 2023, dans les pays du Sahel central (Burkina, Mali, Niger), les militaires ont progressivement remplacé les régimes démocratiques, et les videomans et d’autres mouvements sont davantage actifs depuis pour modeler les perceptions publiques et influencer les relations internationales, selon une récente étude publiée en juillet 2024.

Dans plusieurs vidéos et publications, certains activistes au Mali n’ont pas hésité à s’en prendre directement aux dirigeants de pays voisins. Par exemple, au plus fort des tensions entre le Mali et la Côte d’Ivoire en 2022, plusieurs videomans s’en sont pris au président ivoirien Alassane Ouattara, qualifié de « traître à l’Afrique ». Sur Facebook et Twitter, des vidéos montrent certains utilisant un langage agressif et injurieux – contribuant ainsi à alimenter un discours de défiance envers les pays perçus comme alliés de l’Occident.

Affirmations mensongères

Ces attaques verbales ont des conséquences concrètes : elles entretiennent un climat délétère entre les populations et alimentent une véritable « cyberguerre » entre activistes maliens et ceux des pays voisins. Des membres de la diaspora vivant dans ces pays s’inquiètent également des répercussions potentielles, car ces discours peuvent renforcer les tensions et affecter leur sécurité.

De manière similaire, avant le coup d’État au Niger en juillet 2023, des activistes avaient pris pour cible le président Mohamed Bazoum, l’accusant de « soumission » aux intérêts étrangers, notamment ceux de la France et des États-Unis. Des propos, parfois à caractère raciste, accompagnés d’accusations d’espionnage ont largement circulé en ligne. Certains ont propagé, sans fondement aucune, l’information sur l’imminence d’un coup d’état. Des affirmations mensongères qui ne sont pas sans conséquences au Niger.

La montée en puissance de ces videomans, conjuguée à l’interdiction de certains médias internationaux et à un climat de peur généralisée parmi les journalistes de la région, a amené l’ONG Reporters sans frontières (RSF) à qualifier en 2023 des pays du Sahel en crise de « zone de non-information libre » et de « nouveau laboratoire de la désinformation et de la propagande ». 

Un défi pour la stabilité régionale

Des activistes, notamment parmi les membres les plus influents de la diaspora malienne, occupent une place centrale dans la diffusion de la désinformation. Installés en Europe ou aux États-Unis, ils exploitent la liberté d’expression dont ils disposent pour critiquer ouvertement, et parfois de manière virulente, les gouvernements maliens et étrangers. Des figures de la « videomania », établies aux États-Unis ou en Europe, jouissent d’une large audience au Mali et commentent l’actualité en s’appuyant souvent sur des rumeurs. Toutefois, leur éloignement géographique peut entraîner une déconnexion avec la réalité quotidienne au Mali. Cela peut générer des analyses biaisées ou simplistes des événements.

Plus inquiétant encore, certains participent sciemment à la désinformation dans le but de favoriser des acteurs politiques. Cette stratégie leur permet de se positionner politiquement en vue d’un éventuel retour au pays.

La propagation de la désinformation par les activistes sur les réseaux sociaux, qu’ils soient basés au Mali ou à l’étranger, représente une menace sérieuse pour la stabilité sociopolitique. En relayant des rumeurs et des discours polarisants, ils alimentent la méfiance envers les institutions nationales et étrangères. Par ailleurs, leurs attaques envers les dirigeants des pays voisins dégradent les relations diplomatiques et risquent de provoquer des crises politiques et économiques.

Pour contrer ces risques, il devient crucial de responsabiliser ces activistes. Une collaboration entre la société civile, les plateformes de réseaux sociaux et les autorités est essentielle pour réguler les contenus en ligne, prévenir la propagation de propos haineux et encourager des discours constructifs. À terme, l’objectif est de préserver la cohésion régionale et de promouvoir des débats basés sur des faits vérifiés, plutôt que sur des attaques personnelles ou des interprétations simplistes de questions complexes.

Les activistes maliens, basés au Mali ou à l’étranger, ont une influence indéniable sur le débat public. Cependant, leur rôle dans la désinformation et les propos injurieux à l’encontre des chefs d’État étrangers, devraient être une cause d’inquiétude. Un effort concerté entre acteurs publics et privés est nécessaire pour trouver un équilibre entre liberté d’expression et responsabilité citoyenne, afin de limiter les impacts de ces dérives.

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