La désinformation sur la santé publique devient un danger particulièrement préoccupant. Au Mali, comme dans de nombreux autres pays, les rumeurs virales et la méfiance envers les institutions sanitaires affaiblissent les efforts de santé publique et mettent des vies en danger.
Des allégations infondées circulent régulièrement sur les réseaux sociaux : un vaccin causerait l’infertilité, le Coca-Cola empêcherait une grossesse, ou encore le citron infusé guérirait la dengue. Ces exemples illustrent la désinformation en matière de santé, caractérisée par la propagation volontaire ou involontaire de fausses informations sur les maladies, les traitements prétendument « miraculeux » ou encore des théories complotistes liées aux épidémies.
Dans le contexte malien, ces fausses informations sont souvent partagées sur des plateformes populaires comme Facebook, WhatsApp ou TikTok, touchant une large audience.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la désinformation liée à la santé publique est une préoccupation croissante, exacerbée par la propagation rapide des fausses informations via les réseaux sociaux. Durant la pandémie de Covid-19, par exemple, une infodémie a accompagné la crise sanitaire, mettant en danger des vies par la diffusion de mythes sur les vaccins ou des traitements non éprouvés. Environ 60 % des internautes rapportent avoir vu ou cru à de fausses informations liées à la santé en ligne, selon des enquêtes de l’OMS.
Conséquences graves
Pour Dr Fatoumata Dicko, médecin et communicante en santé, la désinformation influence fortement les décisions en matière de santé. « Refuser un vaccin, par exemple, expose à des maladies évitables comme la rougeole ou la poliomyélite », explique-t-elle. Elle souligne aussi que l’automédication, alimentée par des conseils non vérifiés en ligne, peut entraîner de graves complications, voire des décès.
Au niveau collectif, Dr Dicko met en garde contre la méfiance envers les vaccins et les autorités sanitaires, qui favorise la propagation des maladies. Elle cite l’épidémie de rougeole en 2019 au Mali, due en partie à une baisse des taux de vaccination. Ces dynamiques aggravent la pression sur un système de santé fragile et érodent, à long terme, la confiance publique, freinant ainsi le développement du pays.
De son côté, Dr Ahmed Cissé, épidémiologiste et chercheur, souligne que les effets de la désinformation dépassent le simple impact sur la santé physique. « Elle érode profondément la confiance du public dans les autorités sanitaires et les institutions. Pour restaurer cette confiance, il est crucial que les gouvernements, les médias et les professionnels de santé travaillent ensemble pour diffuser des informations claires, précises et fondées sur des preuves scientifiques. »
Un cadre du ministère de la santé, ayant souhaité garder l’anonymat, souligne la responsabilité de l’État dans la situation actuelle : « Il faut admettre que notre système de santé, dans son ensemble, traverse des difficultés profondes. La faiblesse de la communication sur les questions de santé n’en est qu’une des conséquences. Nous sommes conscients de la nécessité pour l’État d’améliorer sa communication et de soutenir les initiatives en ce sens. Cela viendra, mais pour l’instant, nous faisons de notre mieux avec les moyens limités dont nous disposons. »
Une mobilisation collective nécessaire
La lutte contre la désinformation requiert une action concertée impliquant internautes, autorités, organisation de la société civile et médias. Pour les internautes, il est essentiel de vérifier les informations avant tout partage et de privilégier des sources fiables telles que l’OMS, les ministères de la Santé ou des plateformes de vérifications des faits. En sensibilisant leur entourage, ils peuvent freiner la propagation de fausses nouvelles.
Les autorités et les acteurs de la santé doivent intensifier les campagnes d’éducation, en collaboration avec des influenceurs pour transmettre des messages crédibles et accessibles. Réguler les plateformes numériques est également crucial pour limiter la diffusion de fausses informations.
Les médias, enfin, jouent un rôle clé : former les journalistes aux techniques de vérification des faits et produire des contenus éducatifs en langues locales permettront de toucher un public diversifié, tout en renforçant la confiance dans les informations publiées. Ensemble, ces efforts peuvent construire une société mieux informée et résiliente face à la désinformation.