Dans un extrait vidéo posté sur Facebook le 24 septembre 2024, Abdallah Yattara, ancien conseiller en commune IV du district de Bamako affirme qu’il n’y a jamais eu de procès de terroristes, de trafic de stupéfiants au Mali. Ces propos sont partiellement faux.
« Je n’ai jamais vu un procès de terroriste. Et pourtant, après Radisson, la rue princesse, Kati, le bateau Tombouctou, je crois qu’il est temps de tenir un procès des terroristes », affirme Abdallah Yattara dans l’extrait vidéo de l’émission QG de l’actualité de Djoliba TV News repris sur son compte Facebook.
« Les terroristes on les arrête, on les emprisonne, souvent ils servent juste de monnaie de change pour pouvoir libérer nos militaires ou aller vers des négociations. Je crois qu’il temps de tenir un procès de terroristes et de frapper fort par rapport aux sentences pour que ça cesse », poursuit-il plus loin.
L’ex conseiller communal, présenté comme « Consultant-formateur » insiste sans donner de preuves : « On n’a jamais entendu parler de procès de terroristes. C’est comme les stupéfiants. On dit qu’on a arrêté des gens avec des kilos de drogue, mais jamais de procès de stupéfiants. »
BenbereVerif a vérifié ces propos et les a trouvés partiellement faux. Des requêtes google avec les mots clés « procès », « attentats » et « Bamako » ont permis a BenbereVerif de retrouver des articles de presse consacrés au procès des auteurs des attentats de 2015 et d’autres procès d’affaires de terrorisme. Le même procédé avec des mots clés « assisses », « trafic » et « stupéfiants » permet de retrouver des comptes rendus d’affaires en lien avec le trafic de drogue et de stupéfiants.
Les auteurs des attentats de Radisson Blu et du restaurant-bar La Terrasse ont été jugés et condamnés
Contrairement aux affirmations d’Abdallah Yattara, les auteurs des attentats de Radisson Blu et du restaurant-bar La Terrasse en 2015 ont été jugés et condamnés. Le Mauritanien Fawaz Ould Ahmed alias « Ibrahim 10 » et son complice Sadou Chaka dit « Oussama » ont écopé chacun de la peine de mort et le paiement de 10 millions de Fcfa d’amende chacun. Coaccusé dans la même affaire, Abdoulbaki Abdramane Maiga alias « Abou Mahamdoune », absent au procès, a été jugé par contumace à la même peine.
Ci-dessous une capture d’écran de titres d’articles de presse sur le procès des attentats de 2015 à Bamako
Plus de 200 procès pour de faits de terrorisme ont déjà eu lieu au Mali
D’après un rapport d’Amnesty international, à la date de novembre 2021, 221 procès avaient eu lieu pour faits de terrorisme au niveau des Cours d’appel de Bamako et de Mopti. Du 4 octobre au 2 novembre 2021, une session spéciale d’assises sur le terrorisme a été organisée par la Cour d’Appel de Bamako.
Au terme de cette session, 47 affaires ont été examinées. Comme verdict, la session a abouti à une condamnation à la peine de mort, 17 condamnations à la perpétuité, 7 acquittements, et 32 condamnations par contumace, c’est-à- dire de présumés terroristes qui n’étaient pas présents aux procès.
Les terroristes servent-ils de monnaie de change ?
Les sources officielles du Mali ne le reconnaissent pas ou du moins à demi-mot. Comme l’illustre l’affaire Serge Lazarevic, l’ex-otage français, libéré en 2014 en échange de djihadistes et prisonniers maliens selon Mohamed Ali Bathily, alors ministre de la Justice. Toutefois des médias et organismes indépendants évoquent de cas d’échange de prisonniers entre les autorités du Mali et les groupes armés extrémistes. Le rapport d’Amnesty cité plus haut révèle que 202 présumés terroristes avaient été libérés en 2020 contre la libération de Soumaila Cissé et des otages occidentaux.
En juillet 2023, des médias internationaux avaient annoncé la libération de membres de l’Etat islamique au grand Sahara contre des otages maliens. Il s’agirait notamment d’Oumeya Ould Albakaye et Dadi Ould Cheghoub, plus connu sous le nom d’Abou Dardar. Cette information avait été démentie par la Direction de l’information et des relations publiques de l’armée malienne.
Quid des procès pour trafic de drogue, de stupéfiants ?
Les procès pour de faits de trafic de drogue et de stupéfiants animent régulièrement la presse comme ici et là. En 2022, lors de la première session ordinaire de la Cour d’assises de Bamako, un ressortissant nigérian jugé pour trafic international de drogue, avait écopé de 5 ans de prison ferme et 5 millions Fcfa d’amende.
Un an plutôt, une malawite, avait écopé de dix ans de réclusion criminelle, la peine maximale dans une affaire similaire. En janvier 2024, un cas de trafic international de drogue à haut risque était inscrit au rôle de la première session de la Cour d’assises de Bamako.
Donc, les déclarations d’Abdallah Yattara ne sont pas exactes en ce qui concerne les procès relatifs aux faits de terrorisme et de trafic de drogue, de stupéfiants au Mali. Pour ce qui est des échanges supposés de prisonniers, BenbereVerif n’a pas de preuves confirmant ou infirmant de telles pratiques.