La prolifération des fausses informations au Mali souligne l’urgence d’initiatives de lutte pour garantir l’accès à une information fiable. Toutefois, le succès de ces initiatives repose sur un soutien solide et structuré de la part des autorités, qui peuvent mettre en œuvre cinq solutions concrètes pour renforcer ces efforts.
1. Mettre en place un Programme national de lutte contre la désinformation
Un programme national de lutte contre la désinformation pourrait renforcer la vérification des faits au Mali, en s’inspirant d’initiatives africaines et du partenariat entre la France et Facebook. Par exemple, Facebook a collaboré avec des agences comme AFP et Pesa Check, dans plusieurs pays africains, pour contrer les fausses informations. Au Mali, un tel programme pourrait financer des projets locaux de vérification des faits et former des journalistes, notamment dans les zones reculées. De plus, le gouvernement pourrait demander à des plateformes comme Facebook, X, et TikTok de contribuer financièrement à ce programme, sous forme de taxe, en raison de leur rôle dans la diffusion de fausses informations. Modibo Fofana, président de l’Association des professionnels de la presse en ligne (Appel-Mali), souligne l’importance d’une approche institutionnelle : « Le Mali n’a aucune politique nationale face à la désinformation. À l’instar des programmes de lutte contre le sida ou le paludisme, il est urgent de mettre en place un programme national dédié à la lutte contre la désinformation ».
2. Faciliter l’accès à l’information publique
Le Mali ne dispose pas de loi spécifique sur l’accès à l’information, mais il a adopté, depuis le 19 janvier 1998, la loi n°98-012 régissant les relations entre l’administration et les usagers des services publics. Celle-ci consacre deux chapitres à l’accès des citoyens aux documents administratifs. Cependant, l’accès à ces informations reste difficile. Un journaliste, sous couvert d’anonymat, souligne : « Le principal obstacle pour les journalistes est l’accès à l’information. Cela est dû au manque de formation des agents publics, à leur méconnaissance des lois garantissant ce droit aux citoyens, à la confusion entre les notions de domaine public et privé, ainsi qu’à la lourdeur administrative. »
Les autorités doivent créer des portails ouverts où les journalistes, les chercheurs et les spécialistes dans la vérification des faits peuvent accéder aux informations officielles en toute transparence. La mise en place de ces portails permettrait également de renforcer la confiance du public dans les institutions.
3. Former les agents publics et les responsables de communication
Un des enjeux majeurs de la lutte contre la désinformation réside dans la qualité de la communication publique. Pour que l’administration devienne un relais fiable dans la diffusion d’informations, il est essentiel de former les agents publics et les responsables de communication aux techniques de vérification des faits.
Cette formation renforcerait leur capacité à vérifier et à corriger les informations avant leur diffusion, limitant ainsi la propagation de fausses nouvelles. En améliorant la rigueur et la précision des messages émis par les services publics, le Mali pourrait non seulement mieux contrôler la qualité de l’information, mais aussi renforcer la confiance des citoyens envers les institutions.
4. Encourager les partenariats public-privé
Pour maximiser l’impact des plateformes de vérification des faits, les autorités devraient encourager des partenariats public-privé. Ces collaborations pourraient permettre de mutualiser les ressources, l’expertise technique et les réseaux de diffusion, renforçant ainsi l’efficacité des efforts de vérification des faits. Un exemple notable est celui de Full Fact, une organisation indépendante au Royaume-Uni. Bien qu’elle ne fasse pas partie intégrante du gouvernement britannique, Full Fact collabore avec des agences publiques, notamment en accédant à des données et informations officielles pour vérifier les déclarations publiques. Cette collaboration lui permet de rectifier les informations erronées, tout en participant à des discussions avec le gouvernement sur la régulation des plateformes en ligne et la transparence de l’information, tout en restant indépendante. Une approche similaire au Mali pourrait renforcer les capacités locales et rendre les initiatives de vérification des faits plus durables en facilitant l’accès aux données officielles et en améliorant la précision des informations vérifiées.
5. Établir une législation pour réguler les médias en ligne
Les réseaux sociaux sont devenus des vecteurs majeurs de désinformation, ce qui souligne l’urgence d’une législation spécifique pour encadrer les médias en ligne. Pour protéger les spécialistes de la vérification des faits et garantir une information de qualité, il est essentiel que le gouvernement malien adopte des lois adaptées pour lutter contre la désinformation tout en respectant la liberté d’expression. À un an de l’élection présidentielle de 2025, le gouvernement ivoirien a lancé une campagne de sensibilisation contre les fausses informations. Le Mali pourrait s’inspirer de cette initiative pour sensibiliser la population aux risques de la désinformation, notamment pendant les périodes électorales, et renforcer la confiance dans le processus démocratique.