Une internaute, connue sur les réseaux sociaux sous le nom d’Ayindo Dalouba, a publié sur TikTok le 4 juin dernier une vidéo intitulée « ONU vs Ibrahim Traoré », qui est rapidement devenue virale. Plusieurs affirmations faites dans cette vidéo sont inexactes.
Dans cette vidéo, Ayindo Dalouba dénonce ce qu’elle considère comme des injustices perpétrées par l’Organisation des Nations unies (ONU) à l’encontre des pays africains. Elle critique particulièrement l’appel lancé par le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme au gouvernement du Burkina Faso de mener « une enquête approfondie, indépendante et transparente » sur les allégations de violations des droits humains et du droit international humanitaire, qui auraient été commises par des groupes armés et des agents de l’État.
Ayindo Dalouba, qui publie régulièrement des vidéos sur des sujets variés tels que la spiritualité, l’amour et la politique, invite également les pays africains à se retirer des accords internationaux conclus dans le cadre de l’ONU. Elle accuse ces accords d’être biaisés en faveur des intérêts occidentaux. La vidéo a été repartagée plus de 2000 fois, y compris le 15 août par la page Facebook Espoirs Info, connue pour diffuser souvent de fausses informations. Benbereverif a vérifié cinq affirmations.
1. « Les pays de l’UE ne sont pas membres de l’ONU »
Suivie par plus de 600 000 personnes sur TikTok et plus de 100 000 sur Facebook, cette utilisatrice avance que les pays membres de l’Union européenne (UE) ne sont pas membres de l’ONU : « Bien que les États membres de l’Union européenne ne sont pas membres de l’ONU, chacun de ces États est représenté dans l’organisation de l’ONU. Chacun de ces États peut donner son opinion dans comment l’ONU gère ses affaires », affirme-t-elle.
Cette affirmation n’est pas exacte. L’UE compte aujourd’hui 27 pays, tous membres de l’ONU. De plus, une dizaine des pays européens font partie des 51 États membres fondateurs de l’ONU, ayant signé la Charte des Nations unies en 1945. Parmi les 10 principaux pays contributeurs au budget des opérations de maintien de la paix de l’ONU, trois sont des États membres de l’UE : l’Allemagne (6,09 %), la France (5,61 %) et l’Italie (3,30 %).
2. « Le statut d’observateur permanent est réservé à l’Union européenne »
Ayindo Dalouba prétend que le statut d’observateur permanent à l’ONU est « uniquement donnée à l’Union européenne ». Cette affirmation est à prendre avec des pincettes.
Le statut d’observateur permanent peut être accordé aux États non membres mais membres d’une ou de plusieurs institutions spécialisées. « Ce statut relève de l’usage, car aucune disposition de la Charte des Nations unies n’en fait état », précise le site de l’ONU.
« Non défini officiellement, ce statut permet pourtant à ses détenteurs de signer plusieurs textes onusiens et de saisir des institutions comme la Cour pénale internationale », explique Le Figaro.
Par exemple, la Palestine a obtenu ce statut en 2012, rejoignant le Saint-Siège (Vatican) qui en jouit depuis 1964. L’Union européenne, pour sa part, détient un statut d’observateur au comité exécutif des programmes et des financements, où la Commission européenne joue un rôle de donateur majeur pour l’aide au développement.
3. « L’ONU n’enquête jamais dans les pays de l’UE »
Ayindo Dalouba affirme que « tu ne verras jamais l’ONU entreprendre des enquêtes en Occident, dans l’Union européenne ». Cette affirmation est à nuancer.
Bien que les enquêtes de l’ONU se concentrent souvent sur les zones de conflit, notamment en Afrique ou au Moyen-Orient, l’organisation a également exprimé des préoccupations et appelé à des enquêtes sur certaines violations des droits humains au sein des pays de l’UE.
Par exemple, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ont dénoncé la détention et le refoulement abusif des migrants et réfugiés en Hongrie, en Pologne, en Grèce et en Italie.
En 2019, l’ONU a demandé à la France d’enquêter sur « l’usage excessif de la force » lors des manifestations des « Gilets jaunes », ce qui a poussé le porte-parole du gouvernement français à s’étonner que son pays soit cité « dans une liste entre le Venezuela et Haïti, où il y a eu des morts ».
Le Comite pour l’élimination de la discrimination raciale a souvent dénoncé les discriminations que subissent les Roms dans différents pays d’Europe de l’Est, notamment en Hongrie, en Slovaquie, en Bulgarie et en Roumanie, et a exhorté ces pays à prendre des mesures pour protéger les droits de ces populations.
4. « La Russie n’est plus membre de l’ONU »
L’internaute prétend que la Russie a quitté l’ONU en 1991, suite à la dissolution de l’Union soviétique. « Ils ont dit que c’était l’Union soviétique qui était membre de l’ONU, maintenant ils sont la Russie donc ils ne sont plus membres de l’ONU », dit-elle.
Cette affirmation n’est pas fondée. La Russie n’a jamais quitté l’ONU. Elle fait partie des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de cette institution, aux côtés de la Chine, des États-Unis d’Amérique, de la France et du Royaume-Uni.
5. « La CPI ne mène pas d’enquêtes en Russie »
Enfin, Ayindo Dalouba laisse entendre que la Cour pénale internationale (CPI) et l’ONU n’enquêtent jamais en Russie. Cette affirmation est inexacte.
Le 17 mars 2023, les juges de la CPI ont délivré un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine pour crimes de guerre, accusant la Russie de déportation illégale de population, surtout des enfants, des territoires qu’elle occupe en Ukraine vers la Fédération de Russie.
La CPI a également lancé des mandats d’arrêt contre de hauts responsables militaires russes pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés. De plus, les enquêteurs de l’ONU ont documenté « la persistance de crimes de guerre commis par la Russie » en Ukraine, dans les zones contrôlées par l’État russe et dans les centres de détention de la Fédération de Russie.