Une fausse citation attribuée à Jean-Noël Barrot sur l’Algérie et le Sahel
Cette vidéo ne montre pas des Maliens victimes de violence en Mauritainie
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Une vidéo partagée sur les réseaux sociaux prétend montrer des Maliens subir des actes de violence physique en Mauritanie. Non seulement il ne s’agit pas de Maliens, mais c’est également une ancienne vidéo sortie de son contexte.

La vidéo a circulé largement sur les groupes WhatsApp. Selon la publication, il s’agirait d’incidents violents en Mauritanie impliquant des Maliens. En effet, dans la vidéo on peut voir deux personnes couchées à même le sol et immobilisées. On peut également voir une d’elle le nez ensanglanté et un autre se faire fouetter.

Cette situation aurait poussé nombre de Maliens à se rendre à Gogui, ville frontalière. Depuis début mars, un grand nombre de Maliens résidant en Mauritanie se rend au poste frontalier de Gogui, entre le Mali et la Mauritanie, a affirmé le ministre Mossa Ag Attaher, lors de l’entretien accordé à l’ORTM le 7 mars 2025. Plusieurs publications sur les réseaux sociaux montrent une file interminable de véhicules et personnes bloquées à Gogui en représailles, comme on peut le voir sur ce post X.

L’auteur soutient : « voici le résultat de Gogui la frontière entre le Mali et la Mauritanie après la mobilisation collective de nos citoyens plusieurs camions mauritaniens sont restés bloqués à la frontière, plusieurs camions mauritaniens non pas pu rentrer sur le territoire bravo à vous. » Il poursuit avec une seconde publication : « Ne jamais provoquer le grand Mali, vive le Mali ».

Les auteurs de ces publications ont soutenu que la frontière Mali-Mauritanie est fermée. Dans cette vidéo publiée par le compte « Je suis contre l’injustice », on peut voir une route barrée par des pierres et un attroupement de personnes un peu plus loin. Le compte « MaliTransition » a également publié une vidéo le 8 mars 2025 : « frontière Mali Mauritanie a été fermée par la mobilisation collectif des citoyens maliens. Les mauritaniens vous allez lire l’heure. »

Un autre compte X, nommé Ivoirozsky, affirme qu’il y aurait eu un « Affrontement entre la Mauritanie et le Mali », le 9 mars 2025. Toutefois, il souligne : « Les maliens veulent passer par le territoire Mauritanien pour traverser la méditerranée. » Le même compte a également publié : « Les maliens veulent rejoindre la méditerranée via le territoire Mauritanien. Ce que les Mauritaniens refusent. »

Anciennes vidéos

Une recherche d’image inversée a permis à BenbereVerif de trouver des anciennes vidéos publiées  sur X, le 30 décembre 2024 : La Revue Afrique et la publication de berlin_bakhoretitrées respectivement « Tensions ethniques très inquiétantes en Mauritanie » et « Soirée chasse aux nègres Des groupes d’arabo berbères ».

Comme indiqué dans la légende, BenbereVerif a retrouvé la vidéo publiée par Abibou Sall, sur LinkedIn en décembre 2024. Il se décrit sur son profil comme « Président des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM). » Il commentait sous sa publication : « Énorme travail à faire afin d’éviter d’aller dans le mur. Toutes les bonnes volontés doivent apporter leur contribution pour obliger l’État à cesser l’arabisation forcée, l’apartheid et le racisme et à venir à la table des négociations. Sinon, nous allons clairement vers la catastrophe ». Et de poursuivre : « Vie ordinaire en Mauritanie pour beaucoup de noirs. Certains quartiers sont interdits aux noirs. Surtout lorsque c’est le soir et qu’ils sont à pied. Et le plus triste, c’est que c’est souvent un policier noir qui va faire respecter cette règle. »

Les Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM.), selon leur site officiel, sont une organisation mauritanienne qui lutte pour l’avènement d’une société égalitaire et démocratique.

BenbereVerif a retrouvé un article de presse et un post LinkedIn du journaliste marocain Hassan Benyoub (travaillant aussi pour Morocco-Pappers), sur cet incident publié il y a 2 mois intitulé « Escalade des tensions ethniques en Mauritanie : des Haratines auraient été attaqués par des Beidanes. » Cet article donne des détails sur le contexte : « Les récents incidents violents en Mauritanie impliquant les communautés Haratin et Beidane ont ravivé les inquiétudes concernant les tensions ethniques. Des rapports font état de passages à tabac publics de Haratines par des Beidanes, soulignant la discrimination systémique et la marginalisation historique. Cette situation présente des risques de troubles civils et souligne la nécessité urgente d’une action gouvernementale pour promouvoir l’égalité et la réconciliation. »

Les Haratines sont considérés comme des esclaves en Mauritanie, bien que l’esclavage y soit aboli depuis 1981. Ces derniers sont victimes de discrimination.

Démenti

Dans une interview accordée à l’ORTM, le 7 mars 2025, le ministre des Maliens établis à l’extérieur et de l’Intégration africaine, Mossa Ag Attaher, explique : « Depuis un certain temps, nos compatriotes résidant en Mauritanie se plaignent d’un certain nombre de tracasseries liées aussi bien à la traversée du territoire mauritanien qu’à des rafles à l’intérieur de certaines villes… De nos échanges avec les autorités mauritaniennes, il ressort que ces contrôles concernent tous les étrangers qui vivent sur le territoire mauritanien et ce dans le cadre d’une politique interne liée aux questions migratoires, questions d’insécurité et à la nécessité pour la Mauritanie de maîtriser la présence, le séjour et l’établissement des étrangers sur son territoire. »

Le ministre Ag Attaher souligne également que depuis « le 2 mars on assite à une arrivée importante de nos ressortissants de la Mauritanie, au poste frontalier de Gogui. Dès que nous avons eu connaissance de leur arrivé, j’ai dépêche une délégation dirigée par le Délégué général des Maliens de l’extérieur à Gogui pour apporter un appui matériel et financier aux arrivants. » Joint par téléphone, Mahamar Touré, délégué général des Maliens de l’extérieur, a confirmé que « laa mission s’est tenue du 5 au 9 mars 2025. »

Le ministre Mossa Ag Attaher a exhorté les Maliens à régulariser leur situation en Mauritanie et d’insister : « Il n’y a pas de chasse ciblée contre les Maliens en Mauritanie, il y a une politique migratoire en cours qui concerne l’ensemble des étrangers vivant en Mauritanie. »

Le ministère a également publié un communiqué le 7 mars. Joint par téléphone, Abibou Sall, président des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM), la première personne à avoir publié la vidéo, donne des explications concernant la provenance : « Cette vidéo que j’ai publiée a été faite il y a deux mois par les personnes qui ont commis ces crimes. Elles ont elles-mêmes publié cette vidéo pour que cela serve d’avertissement aux autres Noirs. C’est un de mes hommes qui m’a fait remonter l’information. Ça se passe bien en Mauritanie. Cette vidéo a ému les noirs mauritaniens qui vivent comme des étrangers dans leur propre pays. »

Il poursuit :« Dans ce contexte d’injustice et face au tollé suscité par cette vidéo en Mauritanie au sein de toutes les communautés, les auteurs de ces vidéos et leur entourage sont intervenus sur les réseaux sociaux pour justifier leurs actes en précisant que ce n’était pas des noirs mauritaniens mais que c’était des jeunes maliens qu’il fallait remettre à leur place (les raisons ne sont pas claires. Une fois, il est fait référence au fait que c’étaient des étrangers qui s’étaient mal adressés à eux et donc qu’il fallait les corriger. Et par la suite, ils ont essayé de justifier leur geste en disant que ces jeunes maliens étaient des voleurs pris sur le fait). »

En somme, la vidéo partagée dans les groupes WhatsApp et sur X est sortie de son contexte et ne montre pas des Maliens subir une violence physique en Mauritanie.

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