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Visa Cedeao pour l’AES : un journaliste malien raconte comment il est tombé dans le piège de la mésinformation
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Le journaliste Issa Djiguiba, rédacteur en chef du journal « Le Pays », raconte comment il a diffusé à la Une de son journal la fausse nouvelle selon laquelle la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) aurait imposé des visas aux ressortissants de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Avec ce témoignage, il espère sensibiliser ses confrères journalistes à être plus prudents dans le traitement d’une information chaude.  

Le lundi 8 juillet 2024, le quotidien malien Le Pays titre à la Une de sa parution numéro N°1455 : « Sommet de la CEDEAO à Abuja : les ressortissants de l’AES doivent désormais avoir un visa pour se rendre dans l’espace CEDEAO ». Une fausse information tellement grosse que la rédaction a dû publier un erratum dans son numéro suivant pour essayer de limiter la casse. Malheureusement, le mal était déjà fait. Certains ne verront jamais l’information rectifiée.  D’autres,  même s’ils la voient, remettront en cause le professionnalisme de notre journal, ne comprenant pas comment un gros titre comme Le Pays a pu commettre une telle faute.

Comment cela est arrivé ?               

En plein bouclage dans la salle de rédaction, sous la pression de l’infographe et de l’imprimeur, eux aussi en gymnastique pour finir avant que l’électricité ne les abandonne, je reçois une notification d’un message WhatsApp qui indique une décision de la Cedeao faisant état de plusieurs nouvelles mesures de restrictions contre les trois pays de l’AES (Mali, Burkina, Niger).

Avec en machette un titre sur le sommet de l’AES, qui avait eu lieu presqu’au même moment à Niamey, j’ai donc voulu, comme tout bon rédacteur en chef, équilibrer ma Une avec un autre titre sur le sommet de la Cedeao. Aussitôt,  je me suis permis de « surfer » un peu sur les réseaux sociaux. Aucun communiqué officiel de la Cedeao, mais une courte vidéo du président de la commission, Omar Touray, qui parlait bien du sommet d’Abuja du 7 juillet 2024.

Comme il n’y avait pas de communiqué officiel, pour me rassurer encore davantage, je me suis référé aux postes de certains journalistes pour qui j’avais vraiment beaucoup de respect. Malheureusement pour moi, ils avaient commis eux aussi la même erreur et avaient diffusé la fausse information. J’ai donc ajouté l’élément aux titres à annoncer à la Une.

« Préserver la confiance du public »

Ce n’est que le lendemain, après m’être bien reposé, que j’ai constaté que le communiqué de la Cedeao ne mentionnait nulle part une décision relative à l’imposition de nouvelles restrictions contre les pays de l’AES. Au contraire, l’organisation ouest-africaine avait même engagé des émissaires pour apaiser la crise avec l’AES. Je suis resté sidéré, mais le mal était déjà consommé. Le journal était déjà imprimé et distribué dans les kiosques.

Il était donc important, pour moi, de partager cette mauvaise expérience avec mes confrères journalistes toujours pressés de donner la première information, pour leur rappeler que nous ne sommes jamais à l’abri de la désinformation. J’espère que ce témoignage les aidera à être plus prudents dans le traitement d’une information chaude.

Les journalistes sont amenés, certes, à puiser désormais dans les médias sociaux, ces plateformes d’échanges et de diffusions. Dans ce contexte, il est important de faire preuve de discernement dans l’usage que nous faisons de ces outils dans l’exercice de ce métier. D’autant que c’est notre crédibilité et celle de nos organes qui sont engagées. Il est crucial pour nous de « préserver la confiance du public ».

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