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#Bagadadji2020 : des législatives au goût de cendre

Les élections législatives, prévues pour le 29 mars 2020, se déroulent dans un contexte singulier, pour ne pas dire apocalyptique. Les tenir, c’est choisir entre la peste et le choléra. Ou, si vous voulez, choisir entre une Assemblée nationale en plastique et une Assemblée en carton.

En effet, le mandat des députés sortants a expiré depuis deux ans et il n’y a plus de possibilité légale de le proroger. Il a déjà été prorogé une première fois suite à un avis favorable, mais très contesté, de la Cour constitutionnelle. Le délai fixé par la Cour ayant été épuisé sans que les législatives se tiennent, le gouvernement a fait proroger le mandat des députés une deuxième fois en se gardant soigneusement, cette fois, de consulter la Cour constitutionnelle. Par crainte, peut-être, que celle-ci ne lise  plus attentivement ses codes et ne s’oppose à la prorogation.

Ces prorogations, parfaitement étrangères à la Constitution (elle prévoit expressément un mandat de 5 ans) ont, bien sûr, fait jaser tant l’opposition et la société civile, au point d’indisposer les plus chauds partisans de la majorité eux-mêmes. Si bien que dans une touchante unanimité, tous les participants au récent Dialogue national inclusif (DNI) ont décidé d’instruire au gouvernement de tenir les législatives, quoi qu’il en coûte. Or, chacun se souvient que le Président Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK », s’est solennellement engagé à respecter les résolutions du dialogue.

Recours aux urnes

Alors voilà : si on ne peut plus proroger le mandat des députés, il va falloir recourir aux urnes, et c’est bien ce qui se passera le 29 mars 2020. Mais de quelles urnes s’agira-t-il ?

Nul besoin d’avoir des yeux de lynx pour se rendre compte que le scrutin ne pourra pas se tenir le même jour sur toute l’étendue du territoire, comme le veut la loi fondamentale. La raison en est qu’au centre comme au nord du pays, des groupes armés, tantôt rebelles, tantôt terroristes ou encore d’autodéfense règnent en maîtres dans de nombreuses localités, y entretenant la plus totale insécurité.

Résultat : si le scrutin présidentiel de 2018 n’a pu se tenir dans 800 bureaux de vote, les législatives risquent, elles, de ne pas pouvoir se tenir dans 1500 bureaux de vote. Du coup, quantité de Maliens seront privés de leur droit civique. Pis, comme le craint un député sortant du centre du Mali, les groupes armés risquent d’imposer leur choix aux électeurs, ce qui aura pour effet de remplir la future Assemblée nationale de représentants désignés par les milices d’autodéfense et les groupes terroristes.

« Territoire infesté de terroristes et de coupeurs de route »

La sincérité et la non-liberté du vote ne seront pas les seules victimes des législatives du 29 mars 2020. Il faut aussi se demander comment les candidats pourront réellement battre campagne dans un territoire infesté de terroristes et de coupeurs de route. Et ce n’est pas la candidate de l’Union pour la république et la démocratie (URD) de Nara qui nous démentira : il y a moins d’une semaine, son véhicule de campagne a été braqué et enlevé par des inconnus armés…

Pour ne rien arranger, le fameux et mondial coronavirus s’est invité à la fête. Il ne manquait plus que ça ! Et donc, par peur du virus, le gouvernement a décidé, le 17 mars, d’interdire les meetings et rassemblements de plus de 50 personnes. On ne sait par quelle magie une telle interdiction, légitime par ailleurs, s’accommoderait de la poursuite de la campagne électorale, laquelle suppose, par définition, une mobilisation des foules…

Nouveau découpage administratif

Enfin, les législatives se tiennent en une période de morosité économique extrême qui va sans doute jouer sur le taux de participation déjà historiquement très bas. Sans compter que la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui exerce son contrôle sur la plupart des localités du Nord, a annoncé son opposition à un scrutin qui ne tient pas compte du nouveau découpage administratif, donc des nouvelles régions créées au Nord par une loi de 2018.

Considérant ce manquement comme une violation de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger et fâché de voir que les nouvelles régions n’auront pas le nombre de députés prévu, la CMA rue dans les brancards. C’est vrai qu’une bonne cargaison de carottes a le plus souvent le don de la calmer.

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