Grossesse et VIH : à Bamako, la double peine des femmes enceintes séropositives
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Grossesse et VIH : à Bamako, la double peine des femmes enceintes séropositives

Par peur d’être stigmatisées par leurs proches ou répudiées par leurs conjoints, à Bamako, nombre de femmes enceintes vivant avec le VIH/Sida préfèrent gérer en solo leur mal. Une double peine, difficile à surmonter.

Il est 21h passées au Centre de santé de référence ( Csréf ) de Hamdallaye, en commune IV du district de Bamako. Dans la cour, quelques femmes en travail viennent d’arriver. D’autres sont déjà installées dans la salle d’accouchement.  Des cris de femme et des vagissements de bébés sont audibles un peu partout. Chaque femme est accompagnée de parents, des membres de la belle-famille, des amis pour partager l’instant de bonheur.

Geste de solidarité pour beaucoup, cet acte est source d’angoisse pour des femmes enceintes séropositives. Pour cause, leur statut sérologique doit rester secret et aucun membre de la belle-famille, qui les accompagne ne devrait être au courant, au risque d’être marginalisées, rejetées ou même divorcées.

La trentaine, celle que nous allons appeler Safi est penchée au chevet de son bébé. « Lors de mon accouchement, j’avais plus peur qu’un membre de ma belle-famille découvre mon secret, que de la douleur d’enfanter. J’étais sous pression, car même mon mari n’était pas au courant de mon statut sérologique

Méfiance vis-à-vis de l’entourage

Après l’accouchement, la sage-femme lui déconseille fortement l’allaitement mixte. Pour protéger l’enfant, la maman avait le choix entre l’allaitement maternel exclusif ou le lait artificiel. Safi choisit la deuxième option, ce qui n’a pas manqué d’attiser la curiosité de sa belle-mère, qui s’en est farouchement opposée. « Elle a fait un scandale pour connaitre la raison de cette décision, car je n’avais aucune contrainte qui me poussait à faire ce choix selon elle. Heureusement que les médecins ont su la convaincre», raconte-t-elle.

Cette peur pousse certaines mères séropositives à aller accoucher loin de leurs proches. D’autres égarent volontairement leur carnet de suivi prénatal ou encore refusent catégoriquement de faire le test VIH. Au centre de santé communautaire de Yirimadjo, en commune VI du district de Bamako, sur une dizaine de femmes enceintes séropositives qui font leur suivi par mois, au moins deux ne viennent pas accoucher le moment venu, informe Kadiatou Koné, sage-femme officiant au Cscom de Yirimadio. 

La santé du bébé en danger

Cette constante pression et surveillance de la maman peut impacter la santé du nouveau-né. Certaines femmes peinent à prendre convenablement leurs médicaments et sont harcelées par leur belle-famille concernant le traitement des bébés.

En 2019, 9 000 femmes vivant avec le VIH/Sida ont accouché au Mali, selon un récent rapport  de l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), sur l’avancement de la lutte contre le Sida. Parmi elles, moins de 1 000 ont reçu des médicaments antirétroviraux, mettant en danger la santé de leurs bébés.

En outre, en 2020, 70 femmes séropositives ont accouché au centre de santé de référence de Hamdallaye, selon des sources internes.

Dédiaboliser le Sida

Oui, une personne vivant avec le sida peut donner naissance à un bébé séronégatif. Mais pour cela, la maman doit d’abord connaitre son statut sérologique, être sous traitement antirétroviral pendant la grossesse, et bénéficier d’une prise en charge particulière pendant l’accouchement.

Aussi, après délivrance, la maman séropositive doit éviter l’allaitement mixte. « Elle a le choix entre l’allaitement artificiel avec le biberon ou l’allaitement maternel exclusif et cela jusqu’au sevrage de l’enfant. C’est un moyen efficace pour prévenir la transmission mère-enfant », explique Nanténin Sangaré, infirmière-pédiatre à la néonatologie au Csréf de Hamdallaye.

Elle insiste sur le cas des femmes qui ont une vie professionnelle. Car ces dernières risquent de faire un allaitement mixte si elles ne sont pas vite averties. En plus, le bébé est mis sous traitement pendant 6 semaines si la mère a fait son suivi régulièrement pendant la période de grossesse, 12 semaines si elle n’était pas sous traitement.

En 2021, le VIH/Sida ne doit plus être une fatalité. La transmission mère-enfant est inacceptable, vu l’avancée de la science et de la médecine. Il est temps de dédiaboliser le VIH/Sida afin de faciliter l’acceptation des malades et la lutte contre la maladie.


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