Infertilité masculine : les couples face à un drame sur fond de tabou
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Infertilité masculine : les couples face à un drame sur fond de tabou

Les hommes sont concernés dans un tiers des cas par l’infertilité, mettant en évidence l’urgence d’aborder cette question comme une responsabilité partagée.

L’infertilité est définie comme l’incapacité pour un couple d’obtenir une grossesse après au moins un an de rapports sexuels réguliers, non protégés, sans utilisation de méthodes contraceptives. Quand un couple n’arrive pas à avoir d’enfant, c’est souvent la femme qui est pointée du doigt. De nombreuses femmes sont « indexées », même s’il n’est pas établi que le problème viendrait d’elles. Les cas de Mme Keïta et Maimouna sont des exemples qui illustrent bien cette réalité.

Mariée depuis 2020, Mme Keïta subit une pression immense de la part de sa belle-famille, qui lui reproche de ne pas avoir donné naissance à un enfant. Nous avons approché son époux qui a confié qu’ « en réalité, c’est [s]on deuxième mariage ». « J’ai divorcé ma première femme parce qu’elle n’avait pas enfanté après deux ans de mariage », ajoute M. Keïta.
Aujourd’hui, il doute de lui-même : « Et si le problème venait de moi ? Mais je ne pourrais jamais le dire à ma famille ». Cette situation montre comment le silence et la peur du jugement renforcent la stigmatisation et retardent des solutions possibles.

Après des années sans enfant, le mariage de Maimouna et son ex-mari Siaka s’est terminé par un divorce. Cependant, leur séparation a révélé une vérité inattendue : chacun a eu des enfants dans un second mariage.

Refus d’admettre

L’infertilité masculine est un sujet tabou dans nos sociétés, où virilité et fertilité sont souvent confondues. Pour Dr Seydou Diallo, gynécologue obstétricien, chef de service mère-nouveau-né à l’Office national de la santé de la reproduction (ONASR), « beaucoup d’hommes pensent qu’ils ne peuvent pas être infertiles parce qu’ils ont des rapports sexuels réguliers et éjaculent normalement. Mais l’azoospermie, qui est l’absence de spermatozoïdes dans le sperme, est une cause fréquente d’infertilité masculine ».

Il ajoute que plusieurs facteurs peuvent expliquer, parmi lesquels le tabagisme, l’alcoolisme, une mauvaise alimentation, des troubles hormonaux ou encore des anomalies comme la varicocèle (dilatation des veines au niveau du testicule). Pourtant, beaucoup d’hommes refusent de se faire diagnostiquer, par honte ou par peur de perdre ce que certains appellent leur « honneur ».

Le silence persiste

« Dans de nombreux cas, l’infertilité masculine peut être traitée », souligne le Dr Diallo. Cela peut inclure le traitement d’infections, une correction hormonale, une meilleure alimentation ou une intervention chirurgicale pour des problèmes comme la varicocèle. Mais pour cela, encore faut-il que les hommes acceptent de consulter.

Selon Diallo, dans un tiers des cas, le problème vient de l’homme, mais cette réalité est souvent occultée. Pire encore, la femme est automatiquement pointée du doigt, comme si elle seule portait le poids de la fertilité du couple.

L’histoire de Maimouna et Siaka démontrent, pourtant, qu’un couple peut être biologiquement incompatible tout en étant chacun.e capable d’avoir des enfants avec un.e autre partenaire. « Les hommes doivent comprendre que l’infertilité n’est pas une honte et que seul un diagnostic précis peut aider. Il n’est plus temps d’incriminer la femme », insiste Dr Diallo.

En brisant les tabous et en favorisant une prise de conscience collective, nous pouvons non seulement mieux comprendre l’infertilité, mais aussi offrir un soutien émotionnel et médical équitable à tous les couples confrontés à ce défi. Car dans la quête de la parentalité, la responsabilité et l’espoir doivent être partagés.

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