« Marie-toi pour souffrir » : monologue de Hatouma sur les dures conditions des femmes de son village
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« Marie-toi pour souffrir » : monologue de Hatouma sur les dures conditions des femmes de son village

Une jeune fille du nom  de Hatouma, étudiante à Bamako et originaire d’un village au Mali, dresse un tableau peu reluisant de la condition des filles et femmes dans cette localité.

« Si j’avais su que la vie de la femme est ainsi faite, j’allais devenir un grand arbre derrière le village. » Cette phrase tirée d’une chanson de Oumou Sangaré, la diva du Wassulu, est en permanence sur les lèvres des femmes chez moi. Là-bas, l’homme croit avoir tous les droits sur sa femme. Elles ne sont pas sensibilisées aux violences basées sur le genre. Je veux dire les violences faites aux femmes en général.

Je suis Hatouma, la seule fille de mon village qui a eu la chance de faire des études jusqu’à l’université. Tout simplement parce que mon père, qui vivait hors du pays, s’est battu pour cela. Ce fut une chance pour moi, une grande chance d’ailleurs. Chez moi, les filles sont mariées à l’âge de 13 ou14 ans. Certaines sont promises dès le bas âge. Aller à l’école est considéré comme une perte de temps. C’est pourquoi, les filles n’y vont pas. Celles qui partent en sont retirées pour être mariées plus tard.

« Objet de valeur »

Chez moi, la femme peut être comparée à un objet de valeur. La dot du mariage est composée généralement de bœuf. Ainsi, certains parents promettent leurs filles à des prétendants nantis. L’activité principale est l’agriculture, mais les récoltes ne sont pas très souvent bonnes. Les filles sont ainsi mariées tôt pour que la dot puisse servir à aider la famille.

C’est le cas de Kadidia, une adolescente de 13 ans. Elle devait être mariée  dans une famille où les travaux ménagers, c’était connu de tous, étaient difficiles à supporter. Elle a émis le souhait que le mariage soit reporté d’une année afin d’être un peu plus préparée à faire face aux charges du foyer. Ses parents ont opposé une fin de non-recevoir. À la veille du mariage, la fille tente de fuir. Mais elle sera rattrapée et battue par ses frères sur la place publique.

Pour son père, marier une fille dès le bas âge fait partie de la tradition : « Ça lui permettra de mûrir avec les habitudes de la belle-famille ». Comment faire comprendre à cet homme que sa fille a le droit de donner son consentement, son avis ?

« Dieu a créé la femme avec les larmes »

« Marie-toi pour souffrir » est une autre phrase qui m’est venue à l’esprit quand j’ai entendu et vu ce que subissent ces femmes une fois mariées. Éduquées pour supporter tout de l’homme, la résignation est leur seule arme. Il faut tout supporter, et cela pas seulement pour la « baraka » pour ses enfants mais aussi parce que « Dieu a créé la femme avec des larmes» disent certains.

Chez moi, le premier devoir pour ne pas dire le plus important envers la femme est celui de la nourrir. Cultiver pour mettre quelque chose dans le grenier. Pour la sauce, il n’y a pas question d’argent : la femme s’en occupe. C’est à elle de cultiver l’arachide et les autres ingrédients pour rendre mangeable le plat de maïs ou de mil.

Machine à reproduire 

Que dire de plus quand abondent des femmes avec des enfants, souvent à moins d’un an d’intervalle, et qu’elles ne  trouvent pas cela assez scandaleux ? Permettez-moi de dire que, chez moi, les femmes sont assimilables à des « machines à reproduire », à telle enseigne qu’une femme sans enfant est mal vue. Famory (nom modifié) l’a  clairement dit lors d’une discussion : « A quoi sert une femme qui ne peut faire d’enfant ? »

Pour lui, rester avec une femme qui ne peut faire d’enfant, c’est une perte de temps. Beaucoup d’hommes pensent malheureusement comme lui. « Une femme sans enfant, c’est comme un kamalenkoro (qu’on pourrait traduire littéralement par un « grand garçon ») », ajoute un autre.

Sensibiliser sur le mariage précoce

Le Mali ne se limite pas qu’à Bamako ou les capitales régionales. Combien sont ces zones rurales au Mali qui sont accessibles, mais où les femmes n’ont pas la bonne information, ne sont pas sensibilisées en lien avec le mariage précoce des filles, les violences faites aux femmes, le planning familial ou même la santé de la reproduction ?

Les associations qui luttent contre les violences basées sur le genre(VBG) doivent sortir de la centralisation dans la façon de faire pour pouvoir atteindre ces femmes et filles dans les noyaux ruraux du pays.

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