Santé de la reproduction : l’important rôle de la médecine traditionnelle
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Santé de la reproduction : l’important rôle de la médecine traditionnelle

Au Mali, beaucoup de filles et femmes recourent aux méthodes traditionnelles de contraception pour espacer leur naissance. La médecine traditionnelle joue un rôle important dans l’offre de services de santé de la reproduction notamment dans les zones rurales.

Apres avoir animé un panel, pendant près de 4 heures sur « La contribution potentielle de la médecine traditionnelle aux efforts de riposte à la Covid-19 », la cheffe du département médecine traditionnelle à l’Institut national de recherche en santé publique ( INRSP), Pr Rokia Sanogo, enchaine les rencontres dans son bureau. Vu panoramique sur l’axe principal de Sotuba. Ce bureau est un temple du savoir : attestions de reconnaissance, certificats sont accrochés au mur ou à un battant de sa bibliothèque, témoignant de la riche carrière de la chercheuse de renom. Des livres, catalogues et autres brochures sont rangés à même le sol, la bibliothèque est déjà surchargée.

Pr Rokia Sanogo a consacré sa vie à la médecine traditionnelle. Sa thèse, soutenue en 1990 est intitulée : « Contribution à l’étude des méthodes traditionnelles de contraception en milieu Bamanan, Soninké et Senoufo au Mali ». Un document qu’elle brandit avec fierté.

Mesures barrières  

Pour Pr Rokia Sanogo, contrairement à ce que la pensée contemporaine veut nous faire croire, l’organisation sociale africaine réglementait déjà les questions de planning familial. La première méthode de contraception, conseillée c’était l’abstinence. Chacun se devait de se préserver et arriver vierge au mariage, singulièrement la jeune fille. Il y avait également l’usage du « Tafo », qui est toujours d’actualité. C’est un ensemble de cordelettes, entremêlées ou à différents intervalles, en forme de nœuds, sur lesquelles on récite  des incantations.

Le « Tafo » est censé avoir des vertus contraceptives. Ainsi, la tradition voudrait que la femme ou la jeune fille qui a cette ceinture mystique attachée autour de la taille ne contracte pas de grossesse. « Notre domestique qui était assez libre, passait son temps à se promener la nuit tout comme de nombreuses autres servantes. J’ai remarqué qu’elle avait quelque chose nouer à la taille, ce que d’autres n’avaient pas. La majorité d’entre-elles a contracté une grossesse, exceptée notre domestique. J’ai essayé de lui tirer le secret de son Tafo sans succès », relate Baya Traoré, une étudiante.

Il existe des produits contraceptifs traditionnels à application locale (au niveau du vagin). Ils peuvent avoir un effet sur la mobilité ou éliminer les spermatozoïdes. Lors de ses recherches, Pr Rokia Sanogo rappelle qu’elle a  découvert des mesures barrières utilisées dans le cadre de la contraception. Cette méthode consiste à introduire certains éléments dans le vagin, qui empêchent les spermatozoïdes d’arriver à destination. Environ 70 plantes contraceptives ont été recensées à ce jour. Certaines sont à la base des pilules fabriquées par l’industrie pharmaceutique.

Cependant, il y a des produits qui peuvent s’avérer dangereux. C’est le cas d’une plante dont la graine, très toxique peut avoir des effets contraceptifs pendant près d’un an. « Cet effet peut être interrompu à la suite d’une diarrhée », assure Pr Rokia Sanogo.

« Maternité saine » 

Selon la chercheuse, aujourd’hui, il y a une mauvaise approche du planning familial. « Une femme qui n’enfante pas est vue comme un problème », affirme-t-elle. Elle suggère plutôt de jouer sur le concept d’« une maternité saine » qui est plus facilement comprise par la femme. Cela lui permettra de préserver sa santé, allaiter son enfant, espacer ses grossesses et récupérer ses forces. « Si on aborde le planning familial avec l’idée d’espacer les naissances, plutôt que de diminuer le nombre d’enfant, il aurait eu plus de succès », soutient-elle.

Dans la tradition, on utilise des mots comme « sérré mousso » pour taquiner les femmes qui ont des grossesses rapprochées. Pour souligner le fait qu’elles n’arrivent pas à se « tenir » vis-à-vis de leurs maris. « Les gens savaient que les grossesses rapprochées pouvaient avoir un impact sur la santé de la mère, de son bébé qui ne sera pas bien allaité, au risque de perdre sa vie. Être ‘’sérré moussou’’ est vu comme un problème dans la société traditionnelle africaine », ajoute Pr Rokia Sanogo.

Le département de médecine traditionnelle de l’INRSP possède un riche répertoire développé en collaboration avec des tradi-thérapeutes et des accoucheuses traditionnelles. Il est plus orienté vers la recherche et le recensement des produits qui interviennent contre les infections sexuellement transmissibles et les questions d’infertilité. Notamment les hépatites que la médecine conventionnelle n’arrive toujours pas à soigner, mais qui sont  bien traitées par la médecine traditionnelle. « Malheureusement les gens viennent vers nous, en phase terminale de leur maladie, ce qui laisse une faible possibilité de succès », déplore Pr Rokia Sanogo.

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