Entre les rapports de force sur l’échiquier politique national, la situation sécuritaire, l’émergence de nouveaux candidats, que faudrait-il retenir de ces élections législatives prévues ce 29 mars 2020 ?
Selon les chiffres de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), 7 663 464 électeurs seront appelés à voter dans 12 469 centres et 22 147 bureaux de vote repartis sur l’ensemble du territoire. La Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 29 février 2020 portant proclamation de la liste définitive des candidats à l’élection des députés à l’Assemblée nationale, a validé 545 listes de candidatures pour les 147 sièges à pourvoir à l’hémicycle.
Sur ces candidatures validées officiellement, il y a un total de 1 447 candidats en compétition dont 1021 hommes candidats, soit 70,56%, 462 femmes soit 29,44%.
Promotion du genre
S’il y a un fait très important et nouveau, c’est évidement la proportion des candidatures féminines. De mémoire de Malien, c’est la première fois dans notre histoire politique qu’il y a autant de femmes sur les listes de candidature.
La « loi n°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions électives et nominatives » a été scrupuleusement appliquée avec un regard pointu de la Cour constitutionnelle.
Émergence des candidatures jeunes et insolites
Autre fait majeur, c’est l’émergence des candidatures jeunes. Certains partis émergents, bien que récents et petits par rapport aux anciennes formations politiques, ont misé sur la jeunesse. La plus jeune liste alignée par un parti politique comporte des candidats âgés de 21 et 25 ans.
Sur un autre plan, des candidatures insolites, à l’instar de celle de Bakary Togola, ce magnat du monde paysan incarcéré préventivement, animent également le débat. C’est une première au Mali qu’un candidat aux législatives battra campagne derrière les barreaux loin de sa circonspection.
Une situation sécuritaire plus délétère qu’en 2013
Contrairement à 2013 où lors des précédentes échéances législatives, la situation était critique mais relativement acceptable, beaucoup de sang a coulé dans le Centre et dans le Nord du pays, entre violences intercommunautaires et attaques terroristes.
La sécurité demeure le plus gros défi pour ces élections à venir. Il est pratiquement impossible pour des candidats dans certaines localités de battre campagne normalement et partout. Il ne faudrait pas s’attendre à un engouement dans les urnes, plusieurs électeurs seront également abonnés aux absents du fait des déplacements internes et des menaces qui planent.
Pour ne rien arranger à la situation, les anciens rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) se retirent du processus électoral et refusent de participer à la sécurisation du scrutin dans les zones qu’ils contrôlent.
Seule bonne nouvelle : la disposition au dialogue du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) de Iyad Ag Ghaly pourrait apporter une accalmie le temps de ces élections, principalement dans le Centre qui est une zone densément peuplée. L’engagement au dialogue du GSIM n’est malheureusement pas celui de l’État Islamique dans le grand Sahara (EIGS), qui étend également son influence sur cette zone.
Pas de bouleversement majeur de l’environnement politique en vue
Bien qu’une grande partie de la population malienne appelle au changement et au renouvellement de la classe politique, ces élections seront une perpétuation de l’ancien système de la génération mars 1991 dite des « acteurs du mouvement démocratique ».
Les vieilles pratiques, alliances entre partis dits de l’opposition et de la majorité, ont repris de plus belle au grand dam des populations, qui ont peu d’options. C’est un consensus qui ne dit pas son nom.
Les propositions des partis sont plus basées sur les têtes des candidats que sur des offres concrètes et les électeurs voteront plus pour les personnes que sur la base de projets de société.
Pour les partis politiques, les objectifs sont clairs : les partis de la mouvance présidentielle visent l’obtention d’une majorité confortable ; les partis de l’opposition lorgnent quelques sièges pour exister ; les nouveaux partis, quant à eux, tentent une petite percée pour asseoir leur légitimité dans le tumultueux marigot politique.
Malgré l’absence de sondages spécialisés crédibles sur la question, ces élections nationales (à qui on a volontairement donné une identité locale) ne bouleverseront pas le paysage politique. Il est fort probable que les rapports de forces resteront les mêmes à l’Assemblée nationale. Il y aura certainement quelques surprises dans quelques circonscriptions, qui n’auront pas un impact important sur le paysage politique.
Enfin, avec les facteurs sécuritaires couplés à l’absence d’une offre politique alternative, le taux de participation des élections de 2020 sera en deçà des 38,4 % enregistrés lors du premier tour du scrutin législatif du 24 novembre 2013.