Après « ceux qui n’auraient pas dû se présenter », Renaud Gaudin nous présente les « gagnants » de la présidentielle. Bien qu’un seul président ait été élu, d’autres candidats ont fait un meilleur score qu’en 2013, ce qui leur donne plus de pouvoir.
Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a gagné, mais il est plus affaibli que jamais. Il a dépensé des sommes folles pour sa campagne et tout ce qui a été nécessaire pour gagner. Ces sommes habituellement disponibles feront défaut, générant sans doute des tensions en fin d’année, sans compter les législatives qui approchent et pour lesquelles il est indispensable que la majorité soit écrasante et le fiston réélu.
Les partenaires, forcés d’avaler des couleuvres suite à une mauvaise élection, seront également plus exigeants. Nul doute également que les groupes armés et autres lobbys ont reçu des promesses et entendront voir celles-ci se réaliser. Bref, les Maliens ne seront pas vraiment au premier plan.
Ceux qui sont entrés dans la cour des grands
Cheick Modibo Diarra fait probablement son entrée dans la cour des grands en arrivant quatrième avec près de quatre fois son score de 2013. Cultivant la proximité (on le sait intelligent mais ça ne se voit pas), il a su mobiliser Bamako sur sa personne. Il rêve probablement (à tort) de 2023, mais en ne s’étant pas prononcé sur le second tour, il risque d’apparaître calculateur.
Moussa Mara, sali par son passage catastrophique à la primature sous IBK (reprise manquée de Kidal et soutien à IBK sur l’affaire de l’avion), s’est offert une aura de sage en renonçant à la candidature et en devenant le directeur de Campagne de Cheick Modibo Diarra. Il cultive ainsi son image sans risquer un score inférieur à 2013 (45 000 voix).
Aliou Diallo, minier milliardaire, ex-soutien financier d’IBK en 2013, a fait une énorme percée en arrivant troisième pour sa première participation. Inconnu, sa campagne a surtout été coûteuse. Son score le confortera probablement dans l’idée qu’être présent politiquement pendant 5 ans n’est pas forcément nécessaire.
Les survivants
Choguel Maïga réussit à conserver exactement le même nombre de voix malgré une campagne contre IBK, tout en ayant été son ministre et porte-parole. Il confirme que ses partisans lui sont acquis et nombreux. Il a eu raison de se présenter.
Oumar Mariko, l’ex-éternel opposant, soutien de la junte, réussit, tout comme Choguel Maïga, à conserver son nombre de voix de 2013. C’est un soulagement pour lui qui avait un temps rejoint la majorité et qui a été éclipsé par l’URD-Parena.
Housseini Guindo chute un peu en perdant 20000 voix par rapport à son excellent score de 2013, où il avait créé la surprise. Son ralliement à IBK et ses postes de ministres n’ont donc pas trop altéré son poids ; il sort donc gagnant avec un gros score pour une campagne quasi inexistante.
Modibo Koné et Mamadou Sidibé font une belle entrée avec 72000 et 54000 voix respectivement, malgré des campagnes peu visibles. Leur ralliement à IBK au second tour leur rapportera sans doute à court terme. Un bon retour sur investissement.
Harouna Sankaré signe aussi un bon score pour une première participation avec 67000 voix. Seul candidat purement religieux, son score est à la fois effrayant et rassurant, car contenu. Son électorat se moque probablement de son ralliement rapide à IBK qui lui rapportera sans doute suffisamment.
Mamadou Igor Diarra, assez visible pendant la campagne, signe un score assez faible avec 36000 voix. Il a rejeté les résultats du premier tour. Jeune, cette première campagne lui a probablement apporté suffisamment de notoriété pour continuer.
Chacun connaît maintenant son poids et négocie en conséquence. Modibo Diarra et Aliou Diallo ont probablement obtenu quelques menues contreparties du pouvoir en refusant de soutenir Soumaïla Cissé, tout en gardant la face. Les seconds couteaux ont probablement négocié des promesses de postes et les autres regardent sans doute déjà vers les législatives, les mairies de District ou les présidences de région (à venir).