La Constitution de 1992 est mise à rude épreuve par les crises que traverse le Mali et semble soumise au diktat du politique et des juges. Une révision de la loi fondamentale ne devrait pas être faite dans la précipitation au risque de conduire à un échec.
Le débat sur la convenance de la Constitution malienne ne date pas de ces dernières années d’instabilité. Il remonte déjà aux circonstances de son adoption en 1992. Pendant la conférence nationale, qui a permis l’élaboration du projet de Constitution et le référendum le 12 janvier 1991, il s’agissait surtout de permettre l’affirmation, la préservation et le renforcement des acquis démocratiques de la « révolution du 26 mars 1991 ».
Les « révolutionnaires » voulaient avant tout affirmer, préserver des libertés et ériger des institutions qui feraient barrage à d’éventuelles autres formes de dictature. Ce qui fut le cas, car ces libertés sont déjà bien aux premières loges dans le préambule de la Constitution malienne du 25 février 1992. C’est dire l’attachement des « acteurs démocratiques » aux libertés et aux institutions.
Cependant, après 23 années de dictature et une soif de libertés, les voix « alertantes » sur d’autres sujets de l’époque étaient juste minoritaires et inaudibles. Certains sujets avaient été tout simplement noyés souvent dans des échanges dominés par la préservation des libertés et la posture institutionnelle du « plus jamais ça ».
Échec de la garantie prospective
On aurait déjà dû trouver dans cette Constitution des garanties explicites d’une préservation des cultures et des sociétés maliennes dans une projection avec les idéaux démocratiques. Mais, l’affirmation de l’ « État de droit et de démocratie pluraliste » a été préférée à cette garantie. Cette constitution aurait dû prévoir une métamorphose de la question territoriale à un moment donné et questionner déjà la forme unitaire de l’État malien.
La démocratie institutionnelle malienne de 1992 a bien plus évoqué le partage du pouvoir institutionnel que le développement social et économique des territoires du Nord et du Centre. Les « acteurs démocratiques » semblent avoir plus cru en l’homme et la femme politiques qu’en la capacité de ces derniers à être corruptibles, devenir corrupteurs et créer le mal social.
La constitution malienne de 1992 avait très rapidement montré ses limites dès le premier mandat d’Alpha Oumar Konaré, avec la résurgence de la rébellion qui avait commencé en 1991. On retiendra qu’une Constitution de crise a échoué à mettre un terme pour l’avenir à une crise sociale et territoriale par carence de prospection. Des mesures fortes auraient pu être prises pour préserver l’avenir de la sécurité et de la gouvernance du territoire national. Et, aujourd’hui, le Mali serait dans une autre phase de son développement territorial.
Impact politique sur des règles institutionnelles
Malgré qu’elle soit bien tissée autour des libertés et des règles institutionnelles, cette Constitution n’était pas adaptée aux réalités sociologiques et institutionnelles du Mali d’alors. Il s’agit bien ici d’une erreur de mesure et de projection que le Mali paie durement ces dernières années, et qui, par conséquent, finissent par un affaiblissement graduel de la Constitution pendant que l’homme politique devient fort.
A mon avis, il ne faudrait pas accuser le président, ni les autres institutions d’ailleurs, car les « révolutionnaires » ont mal « mesuré ». Il aurait fallu analyser davantage une société malienne précaire, complexe sortant d’un régime « différent » qui aura duré tout de même 23 longues années.
Les « révolutionnaires » n’auraient surtout pas dû faire table rase d’un passage à l’indépendance difficile, suivi d’un essai de socialisme mis en échec seulement 8 ans après sa mise en œuvre par un coup d’État et l’avènement d’un régime dictatorial. Ces événements n’auraient pas dû être ramenés uniquement à une aspiration à des libertés et à des institutions avant-gardistes.
La Constitution de 1992 n’était, dès le début, pas une bonne Constitution pour le Mali. Elle a été, depuis son adoption, soumise au diktat du politique et a une interprétation « révolutionnaire » par les juges constitutionnels. Elle s’étouffe aujourd’hui sous le poids du politique et des juges. Elle n’a pas pu défendre la société malienne post-révolution 1992 et ne pourra pas défendre l’actuelle. Par ailleurs, il n’est guère question de la réformer dans l’urgence : les réformes qu’elle devra subir doivent exclure toute forme d’accélération dangereuse menant vers un autre échec social.
- Mohamed Maïga est ingénieur social, intervenant sur les politiques socio-économiques de territoire. Il est le directeur de Aliber Conseil.
- Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere.