A Bamako, des femmes déplacées internes de Faladié et Sénou vivent de la collecte et la vente de sachets plastiques. Une source de revenu présentée comme une alternative au manque d’assistance.
Bamako, 23 juin 2023. Le marché à bétail de Faladié est très animé en cette veille de fête de Tabaski. Le long du goudron, près d’une station d’essence, défilent des vendeurs et vendeuses d’articles de tous genres à l’affût de potentiels clients.
Cet endroit qui fait office de marché, abrite au fond, loin des usagers de la route, le site des personnes déplacées internes (PDI), qui ont fui l’insécurité au centre et nord du Mali. L’une des activités des femmes qui y habitent, si ce n’est la principale, c’est la collecte et la vente de déchets plastiques. Elles les ramassent, les lavent, les assèchent, pour ensuite les vendre.
« Nous avons fui nos localités pour venir nous installer ici. Nous n’avons jamais fait cette activité auparavant », précise d’emblée Ténin, assise devant sa petite case, avec son mari et sa coépouse. Elle est mère de cinq enfants, qui vivent avec elle sur ce site. « Si l’aide vient, nous bénéficions de vivres et d’argent. Comme cette aide n’est pas toujours permanente, nous collectons des déchets plastiques pour les vendre. Avec l’argent que nous y gagnons, nous achetons des condiments pour préparer », explique celle qui a fui la localité de Bankass, il y a au moins trois ans de cela.
« Pas de sot métier »
Cette activité nécessite un apprentissage. Les nouvelles venues accompagnent les anciennes pour collecter les déchets plastiques, à Faladié et dans plusieurs quartiers environnants. « Je suis venue trouver les gens ramasser des déchets plastiques pour les vendre. Je les accompagnais. On me montre comment faire jusqu’à ce que je puisse me débrouiller toute seule sans me perdre dans le quartier », confie à son tour Aïssaré, vivant à quelques pas de là où réside Ténin, allaitant son enfant. « Chaque jour, je peux gagner 500 francs CFA », poursuit-elle.
C’est depuis 5h du matin, après la prière de l’aube, qu’elles se mettent à la chasse des déchets plastiques et autres ordures transformables, sillonnant différents quartiers : Sogoniko, Badalabougou, Daoudabougou, entre autres. « Il n’y a pas de sot métier. Il vaut mieux mener une activité que de rester toujours à attendre l’aide. Quand elles sont venues ici, avec les difficultés auxquelles elles sont confrontées, elles ont trouvé utile de faire cette activité afin de pouvoir s’assurer tant bien que mal le minimum nécessaire », tente d’expliquer un responsable du site.
1 600 tonnes de déchets par jour
Les sacs de 100kg, remplis de déchets plastiques, sont cédés à 2000 francs CFA. S’ils ne sont pas remplis, c’est 1000 francs CFA. Elles peuvent se mettre en groupe pour vendre et ensuite se partager l’argent ou le faire individuellement. Les résidus alimentaires sont également collectés et vendus aux éleveurs pour l’alimentation du bétail. Le sac varie entre 1500 et 2000 F CFA.
Malgré les risques sanitaires qu’elles encourent, de nombreuses femmes déplacées internes tirent leur moyen de substance de la collecte de déchets plastiques. Les plastiques sont vendus à des usines qui les transforment en divers produits.
En 2014, le gouvernement malien a adopté une loi interdisant la production, l’importation et la commercialisation de sachets plastiques non biodégradables. Mais cette mesure peine toujours à être correctement appliquée. Environ 17 000 tonnes de déchets plastiques sont produites annuellement à Bamako, contre une moyenne journalière nationale de 1 600 tonnes en 2019
A quelques kilomètres du site de Faladié, à Sénou, l’un des quatre sites de personnes déplacées internes de la capitale malienne, un groupe de femmes tirent leurs revenus de la collecte et la vente de déchets plastiques.
« Nous revendons les plastiques à 7 000 francs CFA pour deux sacs de 50 kilogrammes, ou à 12 500 F CFA les bidons pour deux sacs de 50 kilogrammes. Cet argent nous permet de subvenir à nos besoins et à ceux de la famille », déclare Oumou, membre de la coopérative de collecteurs de déchets plastiques du site.
Elles sont 25 femmes PDI regroupées en coopérative, chaque groupe ayant une tâche spécifique : ramassage, lavage ou séchage des plastiques.
En exploitant les opportunités offertes par la collecte et la vente des déchets plastiques, elles se sont engagées dans une lutte double : améliorer leur situation économique tout en contribuant à la protection de l’environnement.
Cet article a été publié avec le soutien de l’ONG Mali-Folkecenter Nyetaa à travers le projet Innov-ReC