Modibo Mao Makalou, économiste malien et ancien conseiller aux affaires économiques à la présidence du Mali, apporte ici une contribution très technique, mais, essentielle pour bien comprendre le débat autour du Franc CFA.
Les chocs extérieurs qui plombent l’activité économique tout en provoquant des fluctuations des prix posent un dilemme aux dirigeants des pays du monde entier en général et des pays exportateurs de matières premières brutes en particulier. Dans un monde de plus en plus interdépendant, les pays échangent les biens, les services et les facteurs entre eux quotidiennement. Une mesure du degré de dépendance d’un pays vis-à-vis du reste du monde est donnée par la valeur de son commerce international (exportations + importations) par rapport à son produit intérieur brut (PIB), une mesure de la richesse nationale.
La balance des paiements retrace la totalité des recettes et des paiements qui résultent de toutes ces transactions économiques. Elle contient toutes les transactions liées aux biens et services et les paiements de transfert. Ainsi, la position de la balance des paiements affecte directement le niveau de production, de revenu et de l’indice des prix des pays au niveau du commerce international. Lorsque la balance des paiements d’un pays est déficitaire, il peut soit utiliser ses réserves de change internationales ou emprunter à l’extérieur pour résorber le déficit de sa balance des paiements.
En Afrique, à l’exception notable du Franc CFA utilisé par 14 pays africains, dont le taux de change fixe est rattaché à l’euro, la plupart des monnaies africaines ont perdu 20 à 40% de leur valeur par rapport au dollar depuis le début de 2015. Toutefois, il apparaît que cette dépréciation de nombreuses monnaies africaines n’a pas procuré un avantage en terme de prix sur les marchés d’exportation, selon la Banque africaine de développement (BAD 2018). Ceci peut s’expliquer en partie par l’absence de politique industrielle dans la presque totalité des pays africains.
Rappelons que l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), instituée par le Traité du 12 mai 1962 auquel se sont substitués ceux du 14 novembre 2007, regroupe les huit Etats membres suivants : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, et Togo formant l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), qui a été créée le 10 janvier 1994.
La BCEAO est l’Institut d’émission commun des Etats membres de l’UMOA et de l’UEMOA, chargé notamment d’assurer la gestion de leur monnaie commune, le Franc de la Communauté financière africaine (FCFA), de leurs réserves de change et de mettre en œuvre la politique monétaire commune. Le Franc CFA possède les caractéristiques suivantes :
sa parité est fixe avec l’euro (1 euro = 655,997 FCFA); 2) le Franc CFA est librement transférable à l’intérieur de l’UMOA; 3) la centralisation des réserves de change des 8 pays de l’UMOA se fait auprès de la BCEAO; 4) la garantie de convertibilité illimitée du Franc CFA en euro est assurée par la centralisation de 50% des avoirs extérieurs nets de la BCEAO dans un compte d’opérations ouvert auprès du Trésor français.
Améliorer la viabilité des finances publiques
Malgré un contexte international difficile, la croissance économique de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) s’est améliorée et constitue la deuxième meilleure performance en Afrique après la Communauté des États de l’Afrique de l’Est (CAE). Elle a dépassé 6% en 2018 pour la septième année consécutive, malgré une détérioration des termes de l’échange (exportations des produits bruts et importation des produits manufacturés) et la persistance de défis multiformes dans certains pays-membres. Toutefois, cette croissance doit être inclusive en vue d’améliorer le niveau de vie des populations.
Selon le Fonds monétaire international (FMI 2019), les termes de l’échange défavorable ont contribué à une hausse du déficit du compte courant extérieur de nombreux pays africains qui ont épuisé leurs réserves de change. La dette publique et le service de la dette se sont accrus, reflétant les niveaux encore élevés des déficits budgétaires et d’autres opérations des Trésors nationaux. Toutefois, la couverture des réserves de change en mois d’importations est passé de 3,9 à fin 2017 à 4,3 à fin 2018 au sein de l’UMOA tandis que les normes internationales requièrent 3 mois d’importations.
Afin d’accélérer l’intégration régionale et le développement de leurs pays, la politique monétaire ne peut se substituer à une politique de développement holistique et durable. Les pays de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) doivent donc continuer à améliorer la viabilité des finances publiques à long terme.
Tout aussi importante est la volonté des pays d’améliorer la crédibilité des banques centrales en consolidant et en renforçant leur indépendance, ainsi qu’en encourageant et facilitant le financement des économies nationales et l’intégration réelle des pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) sur la base de politiques publiques viables, crédibles et transparentes.