Il serait temps de travailler à permettre à la religion, musulmane s’entend, d’occuper sa vraie place dans notre pays : la libération de chaque être humain de la misère intellectuelle, spirituelle et matérielle. Cela exige, en plus des prières, un sursaut collectif.
Tout a commencé le jour où, à la mosquée, l’iman a dit que Dieu avait mis notre peuple dans la précarité et, qu’à la fin des temps, il nous récompensera avec le paradis si nous nous résignons à notre sort. Je ne pense pas que Dieu ait prédestiné certains peuples à la misère et d’autres à l’opulence. Depuis, je n’ai plus vraiment eu le courage d’y retourner.
Nous sommes en 2020 et c’est le mois de ramadan. Mais pas une fois je n’ai été à la mosquée à cause du coronavirus. Ici, toutes les mosquées n’ont pas fermé. Chaque jour, épaule contre épaule, les fidèles se prosternent dans les mosquées pour prier Dieu. Ils prient pour nous et pour tout. Ils prient même pour la fin du coronavirus, en faisant fi pourtant des mesures barrières.
Le refus de certains leaders religieux de fermer les mosquées, malgré la crise sanitaire, révèle l’étendue des problèmes liés à la question religieuse au Mali : l’attentisme, le fatalisme, la paresse intellectuelle et la pusillanimité.
La magie n’existe pas
Dieu a fait de nous des êtres dotés de raison pour que nous réfléchissions par nous-mêmes. Notre salut est dans la connaissance. Ici, les récits religieux sont dogmatiques et effrayants ; ils ne laissent pas de place au questionnement, à la discussion. Ici, la menace de l’enfer est l’argument et la preuve à tout ; il faut se conformer au risque d’être condamné à la damnation éternelle.
Tout s’explique par Dieu et Dieu est la cause de tout. Tout ce qui arrive, de bon ou de mauvais, est la volonté divine. Nous devons être résignés. Les religieux poussent à la résignation, à l’acceptation du sort.
La religion, ici, permet de mettre sur le compte de Dieu notre déconfiture commune, la débâcle de notre société. Les prêches sont fatalistes, encouragent la paresse et l’acceptation aveugle de tout. La religion, la vraie, aide pourtant l’homme à s’approcher de Dieu, mais pas à suivre aveuglement une personne. La religion donne les outils pour réfléchir à sa condition d’humain et ainsi agir à la lumière de la raison pour vivre heureux et utile à l’humanité.
Dieu ne fera pas pour nous ce que nous refusons de faire pour nous-mêmes
Je suis fatigué d’entendre que telle prière ou telle incantation peut résoudre nos problèmes. Dans notre cas, il faut plus que des prières. Les personnes qui réussissent sont ceux qui conjuguent prières et efforts pour atteindre leur but. Les imans font croire aux jeunes qu’il faut un chapelet, une natte de prière pour réaliser les rêves. Ils vendent des encens, des potions magiques comme panacée à de pauvres personnes éprouvées par la vie.
À chaque problème, des prières collectives sont organisées : pour la pluie, la paix, notre développement… Mais ce dont nous avons besoin, c’est un sursaut collectif. Le sacrifice de chacun de nous pour le bien de tous. Nous avons besoin d’une vraie solidarité, de l’engagement de tout un chacun à jouer pleinement son rôle pour la bonne marche de la société. Rien ne remplace le travail, et c’est lui seul qui peut nous délivrer du marasme économique et intellectuel dont nous souffrons.
Les têtes vides servent de casseroles à Satan
Apprendre et comprendre le monde avant de prêcher. Tous nos imans et les prêcheurs se doivent de chercher à étendre, à approfondir leurs connaissances sur le monde en plus de leur érudition religieuse. La mondialisation fait qu’aucun pays n’est isolé. Nos problèmes sont ceux des autres et tout ce qui se passe dans le monde nous concerne. En tant que figures influentes, respectées, ces imams doivent tenir des messages instructifs et constructifs pour le bien de notre nation.
Malheureusement, le salut des pratiquants et leur bien-être spirituel et économique ne sont pas la première des préoccupations de tous les chefs religieux. Beaucoup se servent des fidèles pour mener leur lutte politique, pour mener des luttes qui servent leurs avantages personnels. Ils s’enrichissent dans le commerce de la « poudre de perlimpinpin » à des personnes désespérées, qui ne cherchent qu’à s’en sortir.
Il serait temps que nous travaillions à permettre à la religion d’occuper sa vraie place dans notre pays, la libération de chaque être humain de la misère intellectuelle, spirituelle et matérielle.
La religion n’est pas l’antinomie de la science. La religion n’est pas l’ennemie du progrès. Si Dieu nous a dotés d’une raison et du libre arbitre, c’est parce qu’il nous aime et qu’il nous fait confiance. Alors, la meilleure manière de rendre grâce à Dieu est de réfléchir par soi-même pour tirer profit de la vie. Les prophètes sont venus pour nous conseiller, pas pour réfléchir à notre place. Dieu nous aime, mais jamais il ne fera notre travail à notre place.
Bien dit, Ousmane ! Merci.
Je trouve cet article très intéressant,
Il faut que les prêcheurs, et les chefs religieux arrêtent de regrouper les fidèles pour le seul but de leur intérêt personnel