Tout le monde ne peut pas toujours se procurer du gaz. Le besoin en charbon s’accroit donc progressivement à Bamako. Ainsi, certaines jeunes filles, originaires du Bélédougou, se sont spécialisées dans la production du charbon, activité informelle aux rentabilités très maigres, selon le blogueur Abdoulaye Baba Darfa. Dans les villes où elles transportent leurs marchandises, elles sont en proie à la précarité et à l’exploitation. Une double peine.
La transformation du bois en charbon et sa vente sont une vieille pratique dans les zones rurales. Elle garantit notamment la stabilité économique pendant les périodes de soudure. Par le passé, cette activité était l’apanage des jeunes hommes après les récoltes saisonnières. Aujourd’hui, ceux-ci ont pris le chemin de l’exode massif vers les pays limitrophes ou européens. Dans le souci de maintenir l’équilibre socioéconomique indispensable à la survie des villages, les jeunes filles ont pris la relève de leurs frères dans la transformation du bois en charbon. Cependant, ce métier est très harassant et requiert beaucoup d’énergie. Il faut parcourir plusieurs kilomètres à pied dans la brousse afin de collecter ou bucheronner les troncs d’arbres épais.
Dans cet espace de quête de survie, une compétition latente nait entre ces jeunes filles. « Il faut que je me lève tôt le matin pour me rendre en brousse, car je travaille indépendamment des autres filles qui se sont constituées en association. Après avoir amassé un nombre suffisant de bois, je passe à l’étape suivante consistant à mettre le feu au bois en attendant quelques jours pour qu’il se transforme en charbon. C’est très fatigant pour moi, mais je ne me plains pas car grâce à cette activité, j’arrive à joindre les deux bouts. », confie Penda, une charbonnière.
Quand tous les bois deviennent du charbon, elles passent à la dernière étape donnant lieu au remplissage des sacs qui sont transportés en ville afin d’être vendus.
Précarité
Ces jeunes filles, souvent organisées en association, détiennent un réseau de revendeurs. Elles expédient leurs marchandises à ces revendeurs sans quitter le village et perçoivent leur argent par l’entremise du conducteur du véhicule.
Par contre, celles n’appartenant pas aux réseaux de revendeurs font le voyage à la capitale. Ce sont elles-mêmes qui colportent le charbon, à travers les différents quartiers de la capitale, parfois aidées d’un charretier qui se fait payer pour cela.
La méconnaissance de la capitale creuse le malheur des charbonnières, obligées de faire le porte-à-porte, parfois avec un bébé au dos. Leurs marchandises se vendent à des prix bien en deçà de ceux fixés par les revendeurs habituels. Cette situation les précarise davantage. Certaines échangent leurs charbons contre des ressources en nature comme du pain séché, du sucre ou du savon.
A Bamako, certaines personnes exploitent cette situation de précarité et font perdurer la dépendance de ces jeunes filles. « Je suis obligée d’aller vendre mon charbon en ville pour trouver les moyens me permettant de subvenir aux besoins élémentaires de mes trois enfants. Leur père est parti depuis 6 mois chercher de l’or dans les mines sans m’envoyer le moindre centime. C’est cela qui me pousse à liquider ma marchandise, soit en argent ou en nature », témoigne Bintou, vendeuse ambulante de charbon.
Les créatrices de richesse
Ces charbonnières constituent un levier essentiel dans la production et la stabilisation de l’économie du Bélédougou. Elles supportent ce fardeau avec résilience : « Je sais que cette activité est sujette à beaucoup de problèmes sanitaires à long terme, mais je ne peux m’en passer, car c’est le seul recours me permettant de gagner ma vie et contribuer aux dépenses économiques de ma famille », a confié Sali une autre charbonnière du Bélédougou.
Les conditions de travail sont pénibles : elles ne portent pas de masque pouvant les protéger de l’air, qui se dégage du charbon encore moins de gant. En outre, cette situation peut causer des problèmes respiratoires voire des complications pneumoniques. Pis, les ressources générées par l’activité ne peuvent supporter les frais sanitaires en cas de maladie.
Ce phénomène risque de perdurer longuement, car ces filles ne sont pas concernées par les politiques d’alphabétisation et de formation en milieu rural. Les Organisations non gouvernementales n’ont pas encore réfléchi à un mécanisme de soutien telles que des formations dans les métiers informels pouvant les aider à s’autonomiser et à abandonner la vente de charbon qui ne promet aucun meilleur avenir.
L’intervention de l’État dans ce domaine est plus qu’opportun, car en multipliant les programmes d’éducation féminine en campagne, ces filles pourront se passer de la coupe du bois. Surtout en cette période de changements climatiques où l’écosystème subit des effets néfastes à cause de la surexploitation des ressources naturelles comme les arbres.