Au Lac de Lassa, à Kati, l’artiste Sidiki Traore lutte contre la pollution à travers le recyclage des vieux objets qu’il transforme en œuvre d’art.
A mon arrivée au Lac, j’étais fasciné tellement tout était naturel et captivant. Le Lac, détrompez-vous, n’est pas un cours d’eau, même si on y trouve une petite source artificielle. C’est plutôt le nom que l’artiste Sidiki Traore et son épouse Carole ont donné à cette petite colline située à Kati, devenue aujourd’hui un symbole du recyclage par excellence. Ici, rien ne se perd.
En aval, sous un apatam(petite construction faite d’un toit de végétaux soutenue par des piquets), non loin d’un jardin de légumes, des artistes en herbe sont en répétition. Les échos de leur djembe(tam-tam) se transportent assez loin car l’activité se passe en plein air.
Pour retrouver le maître des lieux, j’emprunte une piste parsemée de verdure, avec des œuvres d’arts tous les trois mètres environ. En amont, à proximité d’une pièce qui sert de chambre à coucher,un gigantesquecheval sculpté avec une multitude de petits morceaux de fer nous accueille. Il a tout ce qu’il faut : une crinière, unequeue« faite avec celle d’un bœuf », me confie la coordinatrice des lieux, Aminata. Des membres, un corps élancé et couronné d’une tête sereine qui lui donne l’air d’être un vrai cheval. Bien qu’il soit immobile, l’envie de le galoper m’envahit.
Sidiki Traore est là, juste à côté. Il s’active à la fabrication d’une énième œuvre d’art : un hippopotame. Toujours avec des morceaux de fer qu’il soude les uns contre les autres. L’hippopotame,lentement mais sûrement, prend forme. Depuis la roche sur laquelle nous sommes, le point culminant du Lac, nous pouvons apercevoir Bamako en miniature.
« Tout peut servir »
Je regarde autour de moi : du fer, des cornes de bœuf, des cauris, des fils de fer, des plumes d’oiseaux, du plastique, du nylon, des étoffes, des vers brisés, des écosses, du cuir, du bois, de l’argile, des pierres, des tôles, des boîtes de conserves, des cartons, des feuilles mortes. Quoi d’autre ? J’en ai certainement oublié tellement les objets de diverses natures, disposés en vrac, sont nombreux. Certains représentants, déjà une forme sculptée ou soudée et d’autres, attendant patiemment d’être utilisés.
« Rien ne va à la poubelle, car tout peut servir ». C’est avec cette phrase choque que l’artiste m’accueille, le sourire aux lèvres, visiblement en pleine forme.
Une solution à l’insalubrité
Sidiki Traore est artisan depuis plus d’une trentaine d’années. Il opère dans trois principaux domaines à savoir la peinture, la sculpture et le design. C’est depuis ses 8 ans qu’il a chopé le virus de l’artisanat, au village, en admirant les femmes travailler le bogolan, un tissu traditionnel malien. Aujourd’hui, il est une référence dans le domaine. Ex-enseignant à l’Institut national des arts (INA), il a exposé dans plusieurs grands rendez-vous à travers le monde.
L’homme réussit à marier les objets avec une habilité qui force l’admiration et laisse sans voix. Pour Sidiki, tout dépend de l’imagination. Il ajoute qu’il touche à tout « car nous avons tout ». « Avec l’artisanat et l’idéologie du recyclage, nous pouvons rendre Bamako propre. Tous les plastiques que vous voyez partout, considérés comme des déchets, peuvent servir à fabriquer des œuvres d’art. L’artisanat est donc une solution pour aider la terre à rayonner ».
Je suis entièrement d’accord avec cette idée qui, contre toute attente, réussit à prouver qu’on peut « faire du neuf avec du vieux », qu’on peut rendre service à l’environnement sans avoir besoin de dépenser des milliards.