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Au centre du Mali, Peul n’est pas égal à djihadiste

Les événements survenus à Nantaka et Kobaka, le 13 juin dernier, au cours desquels une unité de l’armée malienne a arrêté plusieurs présumés djihadistes avant de libérer ceux qui n’étaient pas Peuls, illustrent parfaitement un état d’esprit ambiant au centre du Mali où l’amalgame fait qu’un Peul est considéré comme un potentiel djihadiste. Pourtant, écrit le blogueur Aliou Diallokei, un djihadiste est un djihadiste tout court : ce n’est pas une question d’ethnie.

L’histoire de Nantaka et Kobaka est d’une tristesse sans égale. Beaucoup de gens pensent à tort que les Peuls sont des djihadistes et qu’ils croient, dans le centre du Mali, plus précisément dans le delta, au retour de la Dina de Cheikhou Amadou Barry. Il n’est pas non plus rare d’entendre certaines personnes dire que les Peuls veulent exterminer tous les Dogons, les Bamanan et vice versa !

« Nous allons exterminer les Peuls », m’a dit en riant une dame, mère d’un soldat déployé dans la zone, que j’ai rencontrée dans un atelier à Bamako pendant qu’une station radio animait un débat sur la question.

Les groupuscules extrémistes recrutent au sein de toutes les communautés

Cet amalgame véhiculé par une grande partie de la population civile est malheureusement répandu au sein de l’armée régulière. On se souvient encore d’un Tweet du compte officiel des Forces armées maliennes, en date du 2 février 2018, nommant les Peuls comme étant responsables d’une attaque contre les militaires dans un village. Tweet qui a été supprimé après la polémique qui a suivi en raison de son caractère maladroit.

Pas de carte d’identité

Les arrestations de Peuls sont monnaie courante, parce que beaucoup d’entre eux n’ont pas de carte d’identité. Les pasteurs peuls voyagent rarement : ils sont presque toujours auprès du troupeau. Ceux qui n’ont pas de papiers sont donc parfois directement considérés, à travers le délit de faciès, comme de potentiels djihadistes qu’il faut éliminer sans autre forme de procès. Les arrestations et même les assassinats font que beaucoup de Peuls se sentent stigmatisés et persécutés. Pour certains, l’équation est simple : Peul est égal à djihadiste.

Dans la région, le comportement de certains agents de l’État fait qu’une grande partie de la population, notamment les Peuls, voient en eux des ennemis ou une force d’occupation et non des personnes qui les servent. Cette situation, qui perdure depuis des décennies, est l’une des causes qui poussent les Peuls  à voir les djihadistes en amis.

« Quand je suis en mission en milieu peul, je constate qu’ils ont tellement peur des soldats qu’ils tremblent et j’en profite. Je reconnais avoir demandé à un Peul un jour le papier de ses vaches juste pour lui soutirer quelque chose », m’a confié un militaire à Bamako.

Toutes ces persécutions ont pour résultat le ralliement aux groupuscules de certains jeunes et le soutien d’une partie de la population de la région à ces pseudos djihadistes, qu’elle voit en protecteurs et défenseurs.

La responsabilité de l’État    

Pour que ces préjugés contre les Peuls cessent, l’État doit jouer aujourd’hui son rôle régalien en instaurant un climat de confiance entre ses agents et les populations locales. Pour cela, il faut que les arrestations arbitraires cessent et que les militaires ou tout agent de l’État qui s’adonne à des injustices contre la population soit sanctionné. Que la population sache que les militaires n’ont pas tous les droits sur elle !

L’élevage aussi est l’activité prédominante dans la région, mais toutes les politiques de développement semblent avoir visé seulement l’agriculture. Cela constitue aussi une source de frustration pour les Peuls éleveurs qui voient leurs terres devenir des champs. Les lieux de pâturages diminuent. L’État doit trouver des solutions à cette situation à travers un moyen efficace de gestion des ressources naturelles entre les communautés.

Aujourd’hui, à Mopti, je me dis que les membres des groupuscules armés sont connus de la population. Il suffit juste aux militaires de mettre en confiance cette population, de rester à côté d’elle pour la protéger contre d’éventuelles attaques et représailles tout en respectant les réalités du milieu. Cette population pourra ainsi prendre la décision de livrer tous les détenteurs d’armes. Le retour de l’État également ne doit pas être seulement militaire mais administratif surtout. Que les juges, enseignants, et médecins reviennent jouer leur rôle.

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