Qui est responsable de la communication, des actes à poser pour soigner ou demander aux citoyens de se protéger ? L’abbé Moïse Dembélé s’exprime sur la question.
Cet article a d’abord été publié par Mali Tribune.
Moïse est actuellement officier au dicastère pour le service du développement humain intégral. Il s’occupe aussi des questions liées à la pauvreté et à la santé, la drogue et la dépendance, le domaine des médicaments, l’écologie intégrale et santé, la bioéthique. Et enfin, il est observateur du Saint-Siège auprès de la Fondation Jean-Paul II pour le Sahel, qui couvre neuf pays dont le Burkina, le Mali, la Mauritanie, le Niger, la Gambie, la Guinée- Bissau, le Cap-Vert, le Sénégal et le Tchad. Il est professeur de bioéthique à l’université de Montréal, au Canada.
« Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, le problème philosophique du principe de la responsabilité sociale a pour objet les conditions d’imputabilité de nos communications, nos actes et nos omissions dans la société. Selon lui, le terme « responsabilité », outre son emploi dans le contexte de l’imputabilité, se réfère aussi à des devoirs ou à des obligations liées à un statut social. Par exemple, lorsqu’une personne occupe une fonction sociale ou un rôle important, on la nomme responsable du bien-être des citoyens ou des personnes qui sont à leur charge ou de l’exécution des tâches dont elle a la charge.
Responsabilité sociale
Dans cet esprit, cette personne est supposée se conformer aux devoirs et aux obligations liés à son statut, y compris les obligations d’agir de manière « responsable et digne », c’est-à-dire de façon raisonnable, juste et prudente. Si tous les acteurs impliqués dans la gestion de cette pandémie de Covid-19, en plus de la société civile, agissaient d’une manière raisonnable, juste et prudente, les stigmatisations et certaines scènes de discriminations auraient moins de place dans la vie quotidienne des populations déjà éprouvées par les conséquences de cette infection.
Dans l’esprit de la mise en application du principe de responsabilité sociale, les autorités sanitaires et politiques devraient faire en sorte que, dans la mesure du possible, les décisions prises (fermeture des frontières, mesures de confinement, isolement ou quarantaine, vaccination obligatoire dans certains pays, licenciements des employés non vaccinés dans certains services) aillent dans le sens de la justice, de l’équité et de l’intérêt de l’humanité toute entière. Dans cette optique, le principe de responsabilité sociale est important et incontournable, et il a pour objectif d’attirer l’attention des responsables de l’élaboration des politiques dans le domaine de la gestion des crises sanitaires et les conséquences, telles qu’elles sont perçues dans la plupart des pays et par le grand public.
Un bien social et humain
Le préambule de la Déclaration sur la bioéthique et les droits de l’homme (Unesco, 2005) va étendre cette responsabilité à l’ensemble de la société dans la logique de l’imputabilité de nos actes spécialement par rapport à la santé et à la stigmatisation. « La promotion de la santé et du développement social au bénéfice de leurs peuples est un objectif fondamental des gouvernements que partagent tous les secteurs de la société, explique l’abbé. Compte tenu du fait que la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques ou sa condition économique ou sociale, le progrès des sciences et des technologies devrait favoriser : l’accès à des soins de santé de qualité et aux médicaments essentiels (…) car la santé est essentielle à la vie même et doit être considérée comme un bien social et humain ; l’accès à une alimentation et à une eau adéquates ; l’amélioration des conditions de vie et de l’environnement ; l’élimination de la marginalisation et de l’exclusion fondées sur quelque motif que ce soit ».
Face à cette pandémie de Covid-19, l’élimination de la stigmatisation, de l’injure, de la marginalisation et de l’exclusion des personnes non vaccinés, doit être une priorité de tous. « La stigmatisation liée à une infection ou au fait de ne pas être vacciné ou même d’être vacciné par tel qualité de vaccin, est contraire au respect de la dignité humaine, parce qu’elle porte atteinte à la dignité sociale : la dignité de soi et la dignité dans la relation, et elle est contraire au droit à la liberté de mouvement parce qu’elle empêche les victimes de circuler librement », insiste-t-il. Dans ce contexte, le principe de responsabilité sociale intervient d’une manière pertinente et indispensable à deux niveaux pour le respect de la dignité humaine : le pouvoir public, à travers la mise en place des dispositifs pour le respect des droits fondamentaux de la personne, et chaque citoyen dans le respect de la dignité de soi et de l’autre. Dans l’application du principe de responsabilité sociale, il ne s’agit pas de la protection directe de la dignité humaine, mais de la protection des droits qui, eux-mêmes, permettent de préserver la dignité de la personne.
- Cet article a été publié avec le soutien de JDH, Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada