Dans le flot d’informations disponibles dans les médias et sur les réseaux sociaux, nombreux sont les jeunes qui ne sont pas loin de se noyer : difficile de ne pas tomber dans le piège de la désinformation.
A Bacodjicoroni, un quartier populaire de Bamako sur la rive droite du fleuve Niger, un groupe de jeunes discute autour du thé. Ils ont entre 20 et 30 ans. Ici, il y a des jeunes de la diaspora malienne des Etats-Unis, de France, des auditeurs, ingénieurs en télécommunications, électriciens, conducteurs de mototaxi, maître coranique, boutiquier.
Samba Barry est maître coranique et enseigne l’arabe à domicile. « Je m’informe le plus souvent sur les réseaux sociaux, particulièrement sur TikTok. C’est ce que l’application me propose que je regarde », confie le maitre coranique. Tout comme lui, Madou Diarra, conducteur de mototaxi, s’informe sur les réseaux sociaux mais surtout par le bouche à oreille.
Le flot d’informations
Ces jeunes ont des préférences en matière de sources d’information. Une figure des réseaux soucieux, Boubou Mabel Diawara, est très suivie par eux et leurs camarades. Diawara est connu pour son soutien à la transition et pour diffuser très souvent des informations favorables aux autorités maliennes. Mais il y a aussi d’autres animateurs de web TV.
En réalité, les « videomen » leur « facilitent la tâche ». Ils savent communiquer, dire ce qu’il faut et y mettent de l’émotion, notamment à travers la théâtralisation. « Ça nous plait de les écouter, ça nous soulage de les entendre dire des prouesses de l’armée malienne », dit le maitre coranique.
Beaucoup de personnes ici critiquent ces informations. Il est « inconcevable pour moi que des chefs de famille, des adultes et pères de famille mentent. Je crois de bonne foi en ce qu’ils disent », estime Samba Barry.
« Sur cette base, comment pouvons-nous avoir une discussion sérieuse avec lui ? », s’interroge Abdoulaye Tamboura, un chauffeur. Une vive tension s’installe rapidement entre les jeunes, les voix commencent à s’élever. « C’est pourquoi je me fais rare ici, certains ne veulent que te rabaisser et être discourtois », regrette Samba Barry. « Non, retorque Abdoulaye Tamboura, tu viens avec de fausses informations que tu as consommées tout au long de la journée et tu veux nous les faire accepter de force ».
Certains ici ont du mal à comprendre Samba Barry. Il croit que l’armée malienne possède des armes capables de lire la pensée des « terroristes », connaitre leurs intentions avant de commettre une attaque ou que les autorités vont bientôt amener la mer au Mali. « Si c’est dit par les médias en ligne et des voix d’autorité comme un membre du Conseil national de transition, je ne vois aucun problème », soutient Samba Barry.
Éducation aux médias
Aujourd’hui, tout le monde diffuse des informations, surtout sur les réseaux sociaux, devenus plus accessibles pour beaucoup de jeunes. Que l’information soit vérifiée ou non, elle se trouve sur les réseaux sociaux.
Avec toutes ces informations disponibles, beaucoup se perdent dans le flot. Malheureusement, les revues de presse en langues officielles, bamanankan notamment, auxquelles les gens se fient, sont empreintes d’exagération et ne sont pas souvent fidèles aux contenus des journaux.
Pour Sinaly Berthé, auditeur de formation, il y a un manque d’éducation aux médias mais aussi un certain manque de discernement lié au faible taux d’alphabétisation de la part de ceux qui croient à certaines informations qui sont tellement évidentes. « J’ai beaucoup de patience pour discuter avec eux, mais souvent ça prend 4 h de mon temps. Il faut arriver à leur faire comprendre que tout ce qu’ils entendent n’est pas forcément vrai, réfléchir avec eux et leur faire comprendre qu’il y a des gens qui sont là pour créer de la désinformation. J’avoue que ce n’est pas un combat facile », confie Sinaly Berthé.