Covid-19 : des femmes journalistes entre galère et résilience
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Covid-19 : des femmes journalistes entre galère et résilience

Au Mali, le secteur des médias et de la presse, à l’instar d’autres, subit la crise sanitaire liée à laCovid-19. Pour les femmes journalistes, exercer leur métier est devenue une galère quotidienne.

Cet article a d’abord été publié sur le site www.maliweb.net

« La maladie à coronavirus a impacté négativement le métier, témoigne Ramata Sambou Kéïta, journaliste reporter au quotidien L’Indépendant. Notamment chez les médias, qui ont connu des moments difficiles. Les journalistes ont connu une période de vaches maigres, notamment au moment où les autorités avaient décidé d’interdire les grands rassemblements, l’organisation des colloques et autres évènements. Les frais de déplacement reçus lors de ces activités est une source complémentaire pour les journalistes. » Elle ajoute que les salaires sont mimines sinon insuffisants. Pis, certains ne sont même pas salariés– et sans ces per diem, ils sont confrontés à d’énormes difficultés économiques.

La Covid-19 a engendré une grande vulnérabilité chez les professionnels du domaine, singulièrement chez les femmes journalistes et animatrices de radios. Bien que nombreuses dans la presse, peu d’entre elles occupent des postes de responsabilité.

Au niveau de l’Assep (Association des éditeurs de presse privée du Mali), sur 240 titres (dont 50 réguliers), toutes périodicités confondues, seulement une dizaine appartient aux femmes.

Personnel non indispensable

Modibo Fofana, président d’Appel -Mali (Association de la presse en ligne), pense que les femmes journalistes ont été les premières victimes de cette crise sanitaire. Selon lui, les problèmes de trésorerie engendrés par la crise ont provoqué des licenciements au sein de certaines entreprises de presse, notamment celui du personnel « non indispensable ». « Avec la crise, beaucoup de journaux de la place ont été obligés de se passer de leurs agents. Ils ont réduit le personnel pour ne garder souvent que le rédacteur en chef, le monteur. Seulement les journalistes occupant des postes de responsabilité au sein de la rédaction ont été maintenus. Et même là, des salaires ont été réduits pour la plupart. Malheureusement, au sein de nos rédactions, les femmes occupent rarement des postes de responsabilité. Aussi, beaucoup ont-elles soit vu leur salaire réduit à moitié, ou été mises en chômage », témoigne M. Fofana pour souligner la précarité des femmes dans le secteur.

Résilience des directrices

Pour la directrice de publication du quotidien Le Soir de Bamako, Sarah Chouaidou Traoré, la pandémie a fragilisé l’ensemble des entreprises de presse au Mali. « Au début, certaines entreprises, partenaires des journaux, ont demandé à ne plus être livrées. Pour certains, le journal était l’un des moyens de transmission de la Covid-19, ce qui a énormément pesé sur la vente des journaux. A cela, s’est ajouté l’arrêt des abonnements et publicités. La version numérique a été préférée. Tous ces facteurs ont énormément joué sur nos trésoreries », a-t-elle déploré.

Et de poursuivre que le secteur des médias a été laissé pour compte tant par les autorités que par les faîtières. La presse privée a été mise à l’écart par le gouvernement, insiste-t-elle.

Ses propos sont soutenus par cette autre directrice de publication, Aïssata Diarra (*), jeune promotrice du journal L’Action. « La crise sanitaire a beaucoup impacté les médias. Surtout pour nous jeunes promoteurs, ça n’a pas du tout été facile. La première année a été éprouvante. Nous sommes sont passés de quotidien à hebdomadaire, bi-hebdo à mensuel. Nous avons failli mettre la clé sous la porte », déclare la jeune directrice de publication dans un petit rire. « En plus, avec la crise, nous avons perdu nos partenaires, poursuit-elle. Les jeunes entreprises ont été mises à l’écart par les annonceurs, les rares publicités ont été distribuées aux médias les plus anciens et qui avaient plus d’audience que nous qui sommes à nos débuts. Mais on essaye tant bien que mal de s’en sortir. Le plus dur est passé, les activités reprennent doucement. Sinon, nos faîtières ont fait de leur mieux pour nous accompagner, surtout l’Assep, mais les promesses des autorités sont restées en suspens ».

Absence de soutien

Une absence du soutien du gouvernement aux médias privés, également relevée par la présidente de l’Association des femmes journalistes du Mali (AFPM), Camara Mariétou Konaté. « Les mesures d’accompagnement prises et mises en place par les gouvernements maliens pour atténuer l’impact de la Covid-19 sur le secteur productif et les populations n’ont pas pris en compte le secteur médiatique. L’État n’a pas accepté les propositions faites par les associations médiatiques pour venir en aide aux organes de presse. Ce manque de soutien a aggravé la précarité des journalistes », indique- t- elle.

La directrice de publication et rédactrice en cheffe des journaux exclusivement animés par des femmes L’Africaine et le journal L’Annonceur, Mariétou Konaté, estime que l’impact de la Covid-19 sur la presse a été doublement ressenti par les femmes journalistes et animatrices de radio. Selon elle, ces femmes, en plus de leur profession, s’occupent de leur foyer. Et avec le confinement imposé au début de la pandémie, il ne leur a pas été facile de combiner profession et obligations familiales. De plus, elle souligne que les femmes de la presse ont été financièrement affaiblies par la fermeture des colloques et conférences de presse au début de la pandémie.

Pour Mame Diarra Diop, de Mikado FM, « la Covid-19 a joué sur le travail des journalistes en général, pas que sur des femmes spécifiquement. A la radio Mikado, il nous a fallu revoir notre façon de travailler, notamment revoir notre grille de programmes, enlever certaines émissions dont la mienne ‘ Samedi Actu’. » Il a donc fallu un réajustement du travail, et passer en télétravail. Ce qui a rendu difficile l’accès à certains interlocuteurs. Les journalistes de la radio ont été obligés d’adapter leurs moyens de travail (travailler avec le téléphone que de se rendre sur le terrain au cœur des informations). « Ce n’était pas facile vu la psychose, la peur de la contamination, ajoute Mame Diarra Diop. Nous avons passé 8 mois à la maison, et ce n’était pas facile ! Quand les choses se sont calmées nous sommes retournés au service pour reprendre petit à petit toutes nos activités. »

La Covid-19 cause des dommages incommensurables dans le bon fonctionnement des médias au Mali. En avril 2020, dans une intervention sur l’impact de la Covid-19 sur les médias, le président de l’Assep, Bassidiki Touré, avait estimé la perte économique de la presse écrite à plus de 3 milliards de francs CFA. Cette estimation allait du mois d’avril à juillet 2020. Comme l’a souligné par la présidente de l’AFPM, certains journaux risquent de disparaître, et les femmes journalistes déjà dans leur grande vulnérabilité risquent d’être les premières à en pâtir.

(*) Aïssata Diarra est décédée le 3 août 2021 dans un accident de la circulation routière sur la route de Ségou. Nous prions pour le repos de son âme.


Cet article a été publié avec le soutien de JDH journalisme pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada.

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