La blogueuse Fatima Hope exprime, avec une lucidité douloureuse, son ressenti, ses réflexions sur le handicap et sa condition de handicapée. Il y a quatre ans, elle a eu un accident. Nous avons décidé de le publier en deux parties.
Un lecteur et ami m’a conseillé de me lâcher. J’ai décidé de suivre son conseil en parlant, cette fois-ci, d’un sujet qui me touche particulièrement. Sans aucun doute, c’est le plus personnel que j’ai pu aborder jusque-là.
Être parachutée dans la catégorie « handicapée » du jour au lendemain est une expérience assez déroutante voire douloureuse. Tel fut mon cas. A la suite d’un accident, survenu il y a un peu plus de quatre ans. Cette nouvelle identité, m’a permis d’être directement confrontée à un phénomène très répandu mais dont on parle peu : le validisme.
J’y ai souvent été confronté sans pour autant savoir qu’il existait un terme qui nommait cette réalité que vivent les personnes en situation de handicap. Peut-être l’entendez-vous pour la première fois. Et si c’est le cas, cela démontre à quel point la communication sur le handicap fait défaut. Ce n’est pas parce qu’on ne nomme pas une réalité qu’elle n’existe pas et il conviendrait, vu qu’elle existe, d’en parler.
Le validisme, c’est quoi ?
Encore appelé « capacitisme », il s’agit d’une sorte de discrimination, de traitement défavorisant les personnes vivant un handicap. C’est prendre des personnes, n’ayant aucune forme de handicap, comme étant des modèles : la norme sociale. Le handicap est une réalité qu’il ne s’agit pas d’occulter. Bien au contraire. Les personnes en situation de handicap ou souffrant de troubles physiques et/ou mentaux sont bien plus nombreuses qu’on le pense. Tous les handicaps ne sont pas forcément visibles, et c’est aussi cela le validisme : l’invisibilité ou la déconsidération de personnes dont la façon d’être ne correspondent pas aux standards de santé.
Au Mali, handicap rime avec misérabilisme et dépendance. Le tout agrémenté d’un manque flagrant de prise en charge politique. Les difficultés que peuvent rencontrer les personnes en situation de handicap sont très souvent méconnues et, dans la plupart des cas, le handicap en lui-même est inconnu ou tout simplement ignoré.
Une fatalité
Ma première réaction après mon accident, quand je me suis rendue compte de la gravité de mon état, a été de me dire que je ne remarcherais plus jamais et que je n’avais plus de vie. Sans expérience aucune de cette nouvelle identité, qui s’est subitement présentée à moi, je n’avais que le point de vue de la valide que j’ai été, mais que je n’étais pourtant plus, pour l’appréhender. Ma réaction résultait de l’image que j’avais du handicap en tant que valide.
Le handicap est alors vu comme une fatalité. Ma fatalité de valide. On projette notre peur qui résulte de nos insécurités sur une situation qui est pourtant vécue par d’autres. Quand on juge un individu en fonction de caractéristiques apparentes, quelle qu’en soit leur importance, cela réduit non seulement la personne porteuse de handicap à une étiquette, mais également l’empêche aussi de voir ses facultés sous-jacentes. Comme c’est le cas, par exemple, de l’écholocation ou « sens radar », qui permet de se repérer quand la vision fait défaut. Cette faculté est utilisée par de nombreux malvoyants pour trouver leur chemin. Chaque personne en fonction de ses aptitudes innées ou acquises, excelle dans certains domaines et a des déficiences dans d’autres.
Le regard des autres
On pense qu’apprendre à vivre avec un handicap est une chose difficile. C’est vrai mais le regard des autres est tout aussi difficile. Le handicap social, c’est soutenir les regards, parfois persistants, durs, remplis de dédain ou de pitié. Un exercice quotidien qui dégrade les rapports sociaux. A quoi s’ajoute parfois des remarques déplaisantes, qui se veulent « réconfortantes » ou « édifiantes » du style « le handicap c’est dans la tête, tu dois t’estimer chanceux/se, ça aurait pu être pire. Ce n’est rien… »
On n’a pas à dire à une personne comment vivre ou interpréter son handicap. L’acceptation d’un handicap est un processus qui comporte plusieurs étapes que chacun vit à son rythme et à sa façon. on n’a pas à évaluer le degré de handicap en minorant ou jugeant le ressenti d’une personne. Cela reviendrait à renier sa souffrance. On n’a pas non plus à avoir pitié, sentiment qu’on prête volontiers à l’empathie, alors qu’il n’en est rien. L’empathie, c’est la reconnaissance et la compréhension des sentiments et des émotions d’autrui. C’est à mon sens restituer la part de dignité que la pitié et le validisme enlèvent à une personne porteuse de handicap. Dans l’empathie, il est question du respect de la douleur.
La pitié n’a rien de positive car elle suppose une relation de supériorité, ce qui n’aide absolument pas l’autre à se reconstruire.