Aliou Barry, chef des Affaires politiques à la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel), rend hommage à Pierre Buyoya, décédé le 17 décembre des suites de la Covid-19, à l’âge de 71 ans. Depuis 2012, il était le haut représentant de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel, et avait démissionné quelques jours avant son décès.
Ses admirateurs, parmi notre génération, l’ont surtout connu dans cette dernière décennie où il a consacré sa vie en quête effrénée de paix dans la région du Sahel et surtout au Mali. Ce pays le considère plus comme ami que diplomate de son état, en tant qu’Envoyé spécial de l’Union africaine à la tête de la Misahel.
Rendre dûment hommage à un tel homme d’État ne serait pas chose aisée et demanderait une difficile exhaustivité sur une personnalité multidimensionnelle. Le président Pierre Buyoya inspire le respect pour les hommes de sa génération, mais est source d’inspiration pour les jeunes cadres qui l’ont côtoyé et observé avec admiration voire fascination dans les couloirs de l’Union africaine, lors des longs rounds de négociation, comme dans les coulisses diplomatiques en ces moments cruciaux où il s’agit de sauver les situations les plus critiques.
Ce sont les sages de ce pays qui l’a adopté – le Mali – qui rappellent, toujours, que l’avenir sort du passé. En effet, pour témoigner de l’œuvre de paix de Pierre Buyoya, il faut nécessairement revisiter son parcours exceptionnel, pas seulement d’homme d’État, mais surtout d’orfèvre discret et ingénieux de la paix dans des contextes où beaucoup de diplomates abdiqueraient.
« Destin de faiseur de paix »
Rien d’étonnant pour ce conciliateur qui, dans le contexte difficile du Burundi, a eu la perspicacité de mettre en place, en février 1991, une journée de l’Unité nationale et résista à toutes les sirènes de la division et de l’ethnicisme ambiant en composant un gouvernement intégrant toutes les communautés et forces vives de la nation. Il faut rappeler que c’est la Constitution de 1992, qu’il adopta, qui permit d’aboutir à des élections multipartites et libres dans une période où il marqua non seulement son pays- le Burundi- mais présidera aux destinées de la CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale) mais aussi de la Commission économique des pays des Grands Lacs (CEPGL).
Rien de surprenant dans son destin de faiseur de paix au point que l’Afrique lui fait confiance sur l’épineux dossier sahélien, si l’on se rappelle qu’il fut en 2000, sous l’égide d’un certain Nelson Mandela, le courageux signataire des accords d’Arusha pour la paix au Burundi. Mais, dès la remise paisible du pouvoir au président Domitien Ndayizeye, en avril 2003, Pierre Buyoya reprit le bâton de pèlerin infatigable de la paix en Afrique et dans le monde.
L’Afrique doit lui rendre hommage et l’élever au Panthéon des immortels constructeurs de la paix, lui qui nous quitte à une période où le continent avait le plus besoin de son expérience et de son esprit de don de soi pour les causes africaines. Pendant qu’il était aux affaires dans son propre pays, Pierre Buyoya avait déjà mis en place la Fondation pour la paix et la démocratie qui, en dehors de sa vocation d’éclairer sur les questions constitutionnelles et les systèmes politiques, œuvrait pour l’éducation et le travail social en faveur des couches les plus vulnérables. Militant du développement intégré et émancipateur d’une Afrique unie dont il rêvait, il rejoint le Council for African Advisor dès 1993.
« Témoin et acteur de la démocratisation »
Un témoin en même temps acteur de la démocratisation du continent s’en est allé après avoir laissé son empreinte indélébile sur les processus électoraux dans différents pays du continent. L’histoire retiendra qu’il fut l’observateur des premières élections post-Apartheid en Afrique du Sud. L’Afrique et le monde ne lui laisseront plus de repos que ce soit au Burkina Faso, en République centrafricaine, en Mauritanie, etc. Bref, le président Buyoya a été sur tous les fronts de la paix pour éviter les conflits retardant continuellement le développement d’un continent qu’il chérissait tant au point d’en devenir le citoyen de tous les pays.
Le cœur serré, les larmes en flots, la voix tremblante, je me sens, aujourd’hui, assommé par sa disparition que je ressens comme le sifflet prématuré d’une séance d’apprentissage encore inachevée à ses côtés. Ma grande tristesse, comme certainement celle de tous ses collaborateurs et admirateurs de notre génération, est qu’une certaine réserve et un profond respect pour sa pudeur et pour sa discrétion nous empêchent, aujourd’hui, de dire à l’Afrique et au monde tout ce que nous savons de l’étendue de son œuvre pour la paix et la stabilité du Mali et au Sahel.
Mais, il est sûr que les futures générations auront beaucoup à apprendre de cet homme multidimensionnel et surtout de son œuvre de paix. Sans excès, mais sans négation de l’étendue de ses mérites, on pourrait se limiter à dire, pour résumer, que le président Buyoya vint au continent à un moment critique de son histoire, y a vécu en homme de foi, courageux et engagé pour la paix comme il partit paisible laissant le devoir et la responsabilité de relater son geste de paix aux langues et plumes de la postérité.
Dors en paix, Cher papa, nous nous efforcerons de poursuivre ton œuvre, inchallah.
- Aliou Barry est le chef des Affaires politiques à la Mission de l’Union africaine pour le Mali et le Sahel (Misahel).
- Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere.
Qu’il repose dans la paix. Nous avons bien toujours besoin d’hommes de cœur comme lui
Un homme exceptionnel.
Le Burundi et l’Afrique viennent de perdre un homme compétent et plein de sagesse. RIP
Il était un Grand Homme, qui a un grand cœur rempli d’amour , de foi et aussi humble .
Cela lui a poussé à s’engager à servir les gens à travers les missions que les pays lui a confiées et ses propres initiatives .
Qu’ il repose en Paix Notre Cher Papa. Il est parti mais il restera dans nos cœurs.
Il est le modèle de notre génération surtout ceux qui veulent faire la paix avec eux-mêmes et les autres.
Inoubliable Papa. Dors en paix.