L’hivernage ouvre un boulevard à l’exercice de plusieurs activités lucratives au Mali, comme la vente d’herbe pour le bétail. Une activité qui rapporte beaucoup plus qu’on ne le pense.
Vendre de l’herbe destiné à la consommation du bétail est une activité assez rentable à laquelle beaucoup de personnes s’adonnent, mais qui reçoit malheureusement peu de considération. « Il n’y a pas de sot métier mais de sottes gens », explique l’adage, qui s’avère une évidence, lorsque nous voyons ce que la vente d’herbe peut rapporter.
Pendant l’hivernage, nombre de personnes – parmi lesquelles des élèves – dégagent assez de bénéfices de la vente d’herbe.
En pleine expansion
Diadiè Coulibaly, élève en classe de 9e année, résidant à Kalabancoro, au sud-est du district de Bamako, pratique cette activité depuis 2017. Surtout pendant les vacances dans l’optique de subvenir à ses besoins quotidiens, pouvoir acheter ses fournitures scolaires pour la rentrée prochaine. « Je suis prêt à faire tout travail qui n’entame pas ma dignité et grâce auquel je peux avoir quelque chose », m’a-t-il confié.
De son côté, ce jeune réparateur de moto, Amadou Coulibaly, trouve également ce commerce rentable : « Grâce à cette activité, déconsidérée par la plupart des jeunes maliens, je parviens à régler l’essentiel de mes problèmes familiaux. Elle ne m’empêche pas de vaquer à mon activité principale, la réparation des motos. »
Si certains exercent cette activité par gaieté de cœur, d’autres encore la pratiquent par manque de ressources. Tel est le cas du jeune N’Tji Mounkoro : « Je mène cette activité en période hivernale. Certes, je travaille dans une boulangerie, mais le salaire gagné n’est pas suffisant pour me permettre de subvenir à mes besoins, à plus forte raison ceux de ma famille, surtout lorsqu’ils ont des problèmes de santé », déplore-t-il.
Rentabilité, exploitation et conflits
Toutefois, j’ai été ébahi de découvrir tous les bénéfices que peut rapporter ce métier. Le sac de 50 kg d’herbe est vendu à 500 F CFA. On se rend compte que les vendeurs d’herbe gagnent quasiment plus que certains fonctionnaires. Un vendeur peut gagner au moins plus de 100 000 FCFA. Quant au sac de 100 kg, il coûte 1000 FCFA. Ce qui fait 210 000 FCFA par mois. Certains vendeurs me confient qu’ils peuvent vendre au moins deux sacs par jour. Par conséquent, chacun peut se retrouver avec près de 210 000 ou 420 000 FCFA dans la poche dans le mois.
Bien qu’elle puisse paraître plus juteuse pour certains, cette activité représente pour certains une forme d’exploitation de l’homme par l’homme. Ce groupe de mendiants talibés, que j’ai contacté à Bandiagara, me confie sa mésaventure : « Cette activité est pénible ! Nous partons chercher de l’herbe dans la brousse tous les jours, à pied, très loin de notre logement. On le vend en ville à 200 francs le sac. Gare à ceux qui n’amènent pas un rond à donner à notre maître coranique. Il faut faire deux tours par jour pour avoir 400 FCFA à donner au chef. Dans le mois le marabout peut cumuler au moins 90 000 FCFA par talibé », confie l’un d’eux.
Il ne fait pas de doute que la vente d’herbe est assez rentable. Mais les vendeurs rencontrent d’énormes difficultés dans son exploitation. Mounirou Konta est vendeur d’herbe depuis trois ans. A l’en croire, la vente d’herbe est une activité à risque : « Nous avons souvent difficilement accès à l’herbe, surtout en cette période hivernale. Nous avons très souvent des prises de bec avec les agriculteurs. Pire, souvent, nous sommes obligés de négocier avec eux pour pouvoir couper l’herbe et vendre. On leur donne un peu d’argent », explique-t-il.