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Né (e) hors mariage, suis-je coupable ?

Encore aujourd’hui, dans notre société, une personne née dans le mariage n’a pas le même sort auprès des populations que celle née hors mariage. En dépit du fait que ces personnes ne soient en rien coupables de leur situation, elles subissent beaucoup de torts dans la société, à commencer par les termes utilisés pour les qualifier, souvent insultants, écrit le blogueur Ousmane Soumbounou.

Si la loi leur donne un qualificatif moins choquant, « enfant naturel », la rue, par contre, les repousse tout simplement en les traitant de « bâtards ». Ce dernier terme, les gens l’utilisent habituellement pour les blesser verbalement. En bamanakan, le qualificatif utilisé est encore plus insultant. On utilise le terme « niamogoden », qui est le raccourci de « niama kan den » et qui veut dire « enfant née sur les ordures ». Le propos n’est pas de défendre, ni d’encourager ceux qui se donnent le plaisir de faire des enfants sans se soucier de certaines considérations d’ordre sociétal. Il vise à éveiller les consciences sur les torts que nous sommes en train de faire subir aux enfants naturels, qui sont d’ailleurs complètement innocents de leur sort.

Méfiance à l’égard de la société

La plupart de ces personnes vivent dans la méfiance à l’égard de la société. Elles sont toujours en repli sur elles-mêmes, craignant d’être méprisées. C’est ce que subit actuellement Fatoumata, une étudiante en droit. Elle vit avec sa mère, qui s’est remariée. Dans cette famille, très grande, à chaque fois qu’elle a une altercation avec quelqu’un, ce dernier ne boude pas son plaisir à sortir le terme « niamogoden ». « Je fais tout pour éviter les malentendus, car j’en ai marre qu’on me traite ainsi », confie-t-elle.

Lamine, lui, est devenu opérateur économique et a même fondé une famille. Il n’a appris qu’il était né hors mariage que tardivement. Il a très mal réagi lorsqu’on lui a annoncé qu’il n’était pas le vrai fils de l’homme dont il porte le nom. Il est allé trouver sa mère et l’a menacée de mort si elle ne lui disait pas le nom de son vrai père. C’est grâce à l’intervention des autres membres de la famille qu’il s’est calmé. Cela est la conséquence des actes de ceux qui, par peur, évitent d’informer à temps l’enfant concerné.

Un vieux de notre village avait l’habitude, avant de prendre la parole lors des assemblées, de remercier Dieu de l’avoir fait venir au monde dans le cadre du mariage. Il s’exprimait en ces termes : « Allah, merci de m’avoir rendu légitime ».

Cultures différentes, même discrimination

Jadis, dans certaines cultures, notamment chez les Dogons, on empêchait que ces enfants viennent au monde dès qu’on découvrait que la grossesse était le fruit d’une relation extraconjugale. Dans d’autres milieux, tels que chez les Soninkés et les Peuls, même si l’enfant vient au monde, il ne peut agir que de manière limitée dans la société : il ne peut ainsi prétendre à aucune place d’honneur ou d’autorité aussi bien dans les familles que dans le village. Il ne prend part à aucune rencontre décisive concernant la vie de la communauté. Il lui est interdit également de prendre part aux cérémonies traditionnelles du village. Les personnes qui ne parviennent pas à supporter ces humiliations n’ont d’autres choix que de quitter le village et disparaitre à jamais.

La législation malienne essaye d’établir une certaine égalité entre l’enfant naturel et l’enfant légitime, même si elle reste quelque peu sous l’influence de la religion et des coutumes. Selon le Code des personnes et de la famille, « l’enfant né dans le mariage porte le nom du père (…) » tandis que celui « né hors mariage porte le nom de sa mère. Il prend le nom de son père en cas d’établissement de sa filiation à l’égard de celui-ci. » Mais, « la loi ne distingue pas entre la filiation légitime et la filiation naturelle pour déterminer les parents appelés à succéder. »

Géniteurs responsables

La religion et la plupart des coutumes, elles, excluent l’enfant naturel de l’héritage de son père biologique. Les enfants naturels sont généralement acceptés par leurs grands-parents maternels. C’est souvent du côté des grands-parents paternels qu’ils se font rejeter. C’est le cas d’une fille que je connais. Malgré sa reconnaissance par son père, les parents de ce dernier ne veulent pas en entendre parler et ne souhaitent même pas qu’elle se présente dans leur famille.

Je pense que la société, au lieu de viser les enfants, devrait s’en prendre plutôt aux géniteurs. Aucun enfant ne choisit la voie par laquelle il vient au monde. Comme nous avons l’habitude de le dire, « on ne choisit pas ses parents mais on choisit ses amis ». L’enfant naturel ne mérite pas les termes que nous employons pour le qualifier. Au contraire, ce sont les géniteurs qui doivent porter toute la responsabilité. Par exemple, au lieu de traiter l’enfant de « niamogoden » (enfant des ordures), nous devrions nous attaquer à ses géniteurs en les qualifiant de « niamogofa » (père des ordures) ou « niamogoba » (mère des ordures).

Ce qui est sûr, avec l’évolution actuelle du monde, c’est que nous ne considèrerons plus longtemps ces enfants avec mépris, car rares sont les familles qui n’en contiennent pas aujourd’hui.

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Les commentaires récents (3)

  1. Bjr M. Soumbounou. Je me permets de vous corriger. « Niama den » ou « Niamogo den » veut dire: « enfant de conjoint-e non marié-e ». En milieu Bambara on dit « niama tiè » ou « niama mousso » au lieu « sounkourou » ou « kamalen » que l’on entend actuellement.
    Pour le reste, je vous remercie pour la qualité de l’article.

  2. Waou, merci ma soeur pour cette traduction du mot. C’est ma première fois d’entendre cela. Je trouve d’ailleurs que cette traduction est plus civilisée et ça colle aussi. Merci encore.

  3. Quant moi à j’appelle le rejet de ces enfants comme une injustice sociale légalisé dans notre société. Si c’est que moi je ne me suis pas choisir d’être noir ou blanc ou même d’être homme ou femme c’est cette même manière que je ne me suis pas choisir d’être enfant naturel ou légitime, c’est une question de chance seulement, ils sont victimes d’une situation emmenant de ses parents. Il est temps que les gens prennent conscience de cette injustice légalisée à l’égard de ces personnes. Au lieu d’accuser ses parents coupables non la société s’abat sur ces personnes innocentes. Je pense qu’on doit se focaliser sur leurs valeurs intellectuelles et morales et non de comment ils sont venu au monde. Il y’a trop d’injuste nos sociétés Africaines, il est temps que les gens changent leur façon de voir les choses façon superficielle en tout cas si on veut évoluer.