Niono : la mort de cinq bergers dénoncée
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Niono : la mort de cinq bergers dénoncée

Après la découverte des corps de cinq bergers, dans le cercle de Niono, des populations locales se disent désemparées face à l’instabilité sécuritaire avec son lot d’abus et de violations des droits de l’homme. L’alerte a été donnée à travers l’application Kenekanko.

Ce vendredi 11 novembre 2022, les corps de cinq bergers sont découverts dans le village de Korontobougou, à Niono (Ségou), entre 8h et 9h du matin : les mains attachées dans le dos avec des cordes. Parmi eux, deux sont de la même famille. Ils ont été exécutés en brousse et leurs animaux emportés par des présumés militaires et dozo.

A l’Association malienne des droits de l’homme (AMDH), l’alerte a été donnée via l’application web Kenekanko, à travers laquelle les populations peuvent dénoncer les cas de violations et abus de droits de l’homme. « Notre équipe vérifie les cas d’alerte et de dénonciation. Il s’agit de déterminer si ce sont des cas d’abus, de dénonciation, de corruption », explique Brahima Konaté, chargé des affaires juridiques et judiciaires et coordinateur du Projet d’appui à la lutte contre la corruption, le monitoring des violations des droits de l’homme. Kenekanko repose sur des points focaux de l’AMDH, qui collectent et approfondissent les recherches sur le terrain.

Enlèvement de bétail

« Aujourd’hui, la collecte de l’information est devenue très dangereuse à cause de l’insécurité, des assassinats ciblés visant des élus locaux, des notables, des représentants de l’État et mêmes les humanitaires », dit-il. Pire, « le parent d’une personne que nous avons auditionnée est porté disparu depuis plusieurs mois déjà. Vous comprendrez aisément pourquoi nous souhaitons garder l’anonymat sur nos informateurs », ajoute Konaté.

Les corps des bergers ont été identifiés par leurs proches : Fousseyni Bah (35 ans ), Aly Diallo (propriétaire d’une partie du bétail, venant de Tiokoni), Bekaye Diallo (fils d’Aly Diallo) et Sékou Bah (qui vient de Marabougou, 25 ans). Il restait un dernier corps dont l’identité n’était toujours pas connue, selon l’AMDH.

Les présumés militaires et dozo sont aussi accusés d’avoir enlevé une partie du bétail qui appartiendrait à plusieurs villages. Si l’AMDH n’a pu encore établir le nombre de têtes de bétail, les premières informations fournies par ses points focaux font état d’une centaine enlevée.

Joint par Benbere, le colonel Souleymane Dembélé, directeur de l’Information et des Relations publiques des Armées, est catégorique : « Les Forces armées maliennes ne collaborent pas avec les dozos ». Cependant, ajoute-t-il au cours d’un appel téléphonique, « il est ressorti des renseignements collectés qu’il y a des gens qui portent des treillis et parlent des langues étrangères qui se font passer pour des FAMa. »

En cas d’abus par les hommes ou d’accusation sur le théâtre des opérations, une information judiciaire est ouverte par la gendarmerie, explique le colonel Dembélé. L’armée a mis en place le Centre d’appel Demeso pour lutter contre le terrorisme. Des numéros verts ont été mis à disposition. « Malheureusement, les populations ne se les sont pas appropriés malgré les nombreuses campagnes de communication », regrette le directeur de la Dirpa.

« Plus on s’éloigne de Bamako, plus la sécurité diminue »

Un acteur de la société civile, collaborateur de l’AMDH, a dû fuir sa localité pour se réfugier à Bamako : il a trouvé le corps d’un autre collaborateur égorgé dans sa chambre. « L’État n’arrive pas à assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. Plus on s’éloigne de Bamako, plus la sécurité diminue », indique Konaté. Le colonel Dembélé avance que « le territoire malien est immense à couvrir. Il y a plusieurs choses à concilier en même temps. Cependant, nous mettons tout en œuvre pour étendre notre présence sur le territoire ».

Pour Abou Sow, président de Tabital Pulaaku, l’association des amis de la culture peule « l’insécurité est réelle » . « Il ne faut pas se leurrer, des gens sont tués. Nous voulons une lutte contre ce fléau tout en évitant l’amalgame », soutient-il. Et d’ajouter : « Nous remontons aux autorités des informations que nous collectons. Quelques fois, ils réagissent mais ça ne comble pas nos attentes. »

Le colonel Dembélé, lui, invite les populations à faire confiance aux FAMa : « Il est regrettable, dit-il, qu’on prenne des gens avec du matériel de communication comme des talkies-walkies. Dès qu’on agit, les groupes ethniques [ à Bamako] se lèvent pour exiger leur libération alors qu’il se peut que des gens se soient radicalisés à leur insu et soient des informateurs [des groupes dits terroristes]. »

Dans ces villages du cercle de Niono, en attendant de savoir qui est derrière la mort des cinq bergers, les populations se disent désemparées.

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