Qu’est-ce qui explique le faible engagement de l’État dans la lutte contre les fausses informations et comment pourrait-il travailler à mieux prendre à bras-le-corps cette préoccupation et soutenir les acteurs engagés déjà ? Ce sont, entre autres, les principales questions adressées aux panélistes réunis autour du thème « Quelles pistes de solutions pour contrer les fausses informations (y compris au niveau législatif) ? », dans le cadre du forum sur la désinformation organisé par Doniblog et la plateforme Benbere.
Face aux risques liés à la désinformation et aux enjeux d’une diffusion saine de l’information, des acteurs nationaux de l’espace médiatique et de la société civile ont porté des projets pour mobiliser face au fléau de la désinformation dans notre pays.
Des initiatives ont été mises en place pour lutter contre les fausses informations, à travers le fact-checking (vérification des faits), notamment à travers la plateforme Benbere, pionnière dans l’espace. D’autres initiatives ont suivi, toutes visant à aller à la quête de la bonne information et à mener une lutte sans merci contre les fausses informations.
Ce qui est déplorable, c’est justement que de telles initiatives qui engagent tout d’abord les pouvoirs publics, soient soutenues par des partenaires extérieurs du Mali dans une certaine indifférence des autorités étatiques. Alors qu’elles visent à garantir une information saine et de qualité aux populations, et à préserver la paix, la quiétude et le vivre-ensemble. C’est ce qu’a d’ailleurs déploré l’un des panélistes du jour, le président de l’Association des professionnels de la presse en ligne (APPEL-Mali), Modibo Fofana, pour qui « l’État est absent dans la lutte contre la désinformation ».
Absence ou faible implication des pouvoirs publics
Les deux autres panélistes du jour, à savoir M. Ibrahim Maïga (chercheur sur les questions de paix, sécurité et de gouvernance dans le Sahel) et M. Niazan Coulibaly (réprésentant de la Haute autorité de la communication) ont apporté de possible explications à ce manque d’implication des pouvoirs publics. Les raisons, à les en croire, qui vont de la faiblesse des moyens financiers, au manque d’intérêt que peut susciter cette question auprès des autorités qui ne sont pas forcement imprégnées des enjeux et des risques liés à la désinformation.
Sans oublier le fait que, et ce n’est pas la moindre raison, « souvent, ce ne sont pas des spécialistes qui traitent ces questions pour les argumenter auprès des décideurs pour que l’État y porte plus d’intérêt. […] Dans ses démembrements, l’État n’a pas toujours le personnel requis pour faire face à ces questions qui sont nouvelles », reconnait M. Coulibaly. Ce qui, conclut-il, pourrait faire croire malheureusement à une indifférence.
« Neutralité positive de l’État »
Maïga s’est dit réservé sur l’idée, telle qu’on la voudrait, d’une implication de l’État dans la lutte contre la désinformation, par le fact-checking ou le soutien financier à des organisations qui font du fact-checking. Il préconise plutôt une « neutralité positive de l’État».
Il serait plutôt d’accord avec l’idée d’une professionnalisation des médias et celle de voir l’État travailler à encourager et promouvoir, par exemple, l’éducation aux médias pour les enfants et la régulation par les pairs au sein des médias.
Les journalistes qui se montreraient fautifs dans l’exercice de leurs missions pourraient être interpellés par leurs pairs, avisés et sanctionnés au besoin. Une idée partagée par M. Coulibaly, qui dira d’ailleurs que lorsque l’État constate l’existence d’un tel mécanisme, il se retiendra plus à intervenir avec son bâton de sentence dans ce milieu. Cela évitera des procès interminables, assure-t-il.
Le président de l’APPEL-Mali, Modibo Fofana, a insisté, quant à lui, entre autres, sur la nécessité de réfléchir à des moyens qui pourraient permettre aux journalistes de faire de la vérification des faits et bénéficier d’une rétribution financière afin de pérenniser la pratique au profit des populations.