Dans 𝐥𝐞𝐬 𝐦𝐢𝐥𝐢𝐞𝐮𝐱 𝐛𝐚𝐦anan 𝐞𝐭 𝐦𝐚𝐥𝐢𝐧𝐤é, 𝐥𝐞 𝐖𝐚𝐬𝐬𝐚𝐦𝐛𝐚 𝐞𝐬𝐭 un 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐭𝐫𝐚𝐝𝐢𝐭𝐢𝐨𝐧𝐧𝐞𝐥 𝐢𝐧𝐝𝐢𝐬𝐩𝐞𝐧𝐬𝐚𝐛𝐥𝐞 𝐝𝐚𝐧𝐬 𝐥𝐞𝐬 𝐬𝐨𝐜𝐢é𝐭é𝐬 𝐢𝐧𝐢𝐭𝐢𝐚𝐭𝐢𝐪𝐮𝐞𝐬.
La voix de la flûte donne le ton, le sistre de calebasse secoue en rythme harmonieux avec une sonorité atypique. À première vue, il vous paraît sous la forme du Chekeré « boyi ou yaa » des femmes. C’est du Wasamba, premier instrument des hommes initiés. C’est un sistre de calebasse, accompagné d’une flûte. Le sistre est composé de rondelles de calebasse avec des bâtonnets, accrochés à la courbure d’un manche en bois courbé. La flûte, qui l’accompagne, est taillée dans du caïlcédrat.
Le jeune bamanan est initié au Wasamba après la circoncision. C’est le premier instrument que la société donne à un homme. Les jeunes circoncis le portent durant trois mois. Pendant cette période, il leur est interdit de voir leurs parents biologiques. Le Wasamba représente tout pour l’initié, qui doit le porter nuit et jour, même au sommeil. Il s’expose à des punitions s’il ne respecte ces règles. «Durant les trois mois de circoncision, cet instrument nous reste compagnon et confident car on fait tout avec. Il nous sert également d’agenda, chaque jour on met une trace sur la manche, ce qui nous permettait, à notre sortie, de savoir combien de jour on a passé en initiation», explique Karim Togola, initié de l’instrument et coordinateur du festival de Koumantou.
𝐏𝐫𝐞𝐦𝐢𝐞𝐫 𝐢𝐧𝐬𝐭𝐫𝐮𝐦𝐞𝐧𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐣𝐞𝐮𝐧𝐞𝐬 𝐜𝐢𝐫𝐜𝐨𝐧𝐜𝐢𝐬
À la fin de l’initiation, pour qu’on soit détaché du Wasamba, la mère de l’initié donne un calebasse et le jeune initié cherche lui-même les bâtonnets pour concevoir un autre Wasamba. Ensuite, pour transporter ce Wasamba au vestibule, il faudra le prendre avec l’auriculaire. Tout le village donne l’autorisation aux jeunes de jouer l’instrument, à chaque fois que l’occasion se présente.
À Niamala, dans le cercle de Koumantou, où nous avons découvert le Wassamba, l’instrument n’a qu’un seul lieu de conservation : le vestibule sacré du village. Personne ne peut le garder chez soi, car il appartient au village. Cet instrument de musique à percussion est sacré, mais n’est pas interdit lors des festivités récréatives. La scène habituelle de son utilisation est la cérémonie de fin de circoncision et les cérémonies funéraires du chef de village.
L’instrument, en raison de son rythme harmonieux, enseigne la discipline et le respect des secrets. Celui qui sait jouer du Wasamba ne livre pas facilement ses secrets. Il est un instrument de veille citoyenne, qui instruit également le respect du bien commun. Mais après l’initiation, si l’on viole les règles de la société, on joue des fausses notes tout au long du jeu. Impossible, pour ce joueur, de secouer le Wasamba au même rythme que les autres. Et tous les initiés s’en rendent compte si vite.
Un instrument non inventorié
L’instrument est interdit aux femmes. Il est destiné aux gardiens de la société, une tâche autrefois attribuée aux hommes. Le Wasamba reste un instrument non inventorié, condition préalable pour son inscription au patrimoine culturel du Mali.
Dans les zones de Bougouni et Sikasso, il ne reste plus que quelques villages qui pratiquent l’instrument. Niamala en est l’un de ces rares gardiens. Ce village a su perpétuer cette tradition. Selon Famory Togola, un initié, c’est parce que le Wasamba n’appartient pas à une seule personne, « c’est le village qui le garde et cette tradition est respectée ici, à Niamala ».
En raison du message que porte cet instrument pour la société, il est urgent de l’inventorier. Selon Nfaly Diallo, directeur régional de la culture de Bougouni, l’inventaire et l’inscription de cet élément est une tâche difficile, qui nécessite à leur niveau la connaissance de tous ses éléments associés. Ensuite, une demande est soumise à la Direction nationale du patrimoine culturel.
Les activités ayant contribué à la préservation du Wasamba, ce jour, sont les festivals de Koumantou et, plus récemment, le festival Benso de Gwandougou. Interrogé lors du festival Benso de Gwandougou à Niamala, le promoteur dudit festival, Karim Togola, ne cache pas son appartenance à cette société. Une raison qui fait qu’il s’active pour la promotion du Wasamba. « Je suis un initié et je suis un acteur culturel, donc étant à la tête d’un tel événement et connaissant le rôle de l’instrument, je dois œuvrer pour sa promotion», a affirmé M. Togola.
Le Wasamba symbolise la discipline, le respect du bien commun et du secret dans la société bamanan. Promouvoir cet instrument, c’est valoriser la culture malienne et défendre des valeurs qui constituent le socle de la société.