Les instruments traditionnels, jadis, étaient les plus prisés lors des évènements heureux et malheureux. Le folklore constituait notre identité. Mais de nos jours cette tradition a fait place à des innovations qui n’augurent rien de bon pour nos valeurs ancestrales, écrit la bloggeuse Maman de Baco.
Quel que soit l’évènement, heureux ou malheureux, on faisait appel a nos instruments et équipements traditionnels : balafon, djembé, calebasse, masques et marionnettes.
La foule venue assister s’y plaisait. Hommes et femmes ne se faisaient pas prier pour danser. Les instrumentistes étaient très souvent accompagnés par des voix mélodieuses qui n’avaient même pas besoin de micro pour chanter. Il suffit juste de lancer quelques pièces aux joueurs pour qu’ils gardent leur forme pendant des heures. Rien de plus. Nos parents, tous joyeux, dansaient avec fierté. Ces bons moments adoucissaient les cœurs et renforceraient les liens familiaux et amicaux.
En abordant ce sujet avec ma mère, elle reconnait tout a changé aujourd’hui : « Avant, c’est lors des mariages qu’on reconnaissait les vraies jeunes filles du quartier (les bogotiguis), car elles rivalisaient sur les belles mélodies du djembé et celle qui dansait le plus était désignée la soungounrou kountigui ou la star du quartier. Mais aujourd’hui, ces stars se manifestent en distribuant des billets de banque en récompense aux louanges chantées en leur faveur. C’est vraiment dommage pour la nouvelle génération ! »
Le « Djeliya » moderne a tout balayé
Ces instruments, qui constituent notre fierté, se dissipent peu à peu de nos évènements. Les griots en ont pris le monopole. A cause des sumu, nos sœurs s’endettent jusqu’au cou. « J’ai peur d’aller aux mariages, car je suis vraiment fatiguée par les louanges des griottes qui me plument chaque fois », confie une amie du quartier.
Les femmes, de nos jours, font pleuvoir des gros billets sur les « djeli modernes ». Elles sont rares celles qui savent esquiver quelques pas de danse traditionnelle. D’ailleurs, on dit lors des mariages que les dembas (marraines) danseuses sont en général pauvres. Aujourd’hui, on fait même appel à un DJ pour les « balani show ». L’animateur du jour se transforme très souvent en griot au rythme des sonorités qu’ils proposent aux invités. Pas un instrument traditionnel pour agrémenter la partie. L’argent est et reste le maitre mot de tous les évènements et rassemblements dans le pays.
Un sursaut obligatoire
Même si le djeliya fait partie de nos traditions, il serait mieux qu’il se fasse dans les règles de l’art. Le flokore malien est tellement riche qu’il faudrait puiser dedans et le valoriser même au-delà de nos frontières. Nos griots doivent proposer des tarifs forfaitaires pour l’animation des évènements. Les louanges interminables doivent laisser place aux chansons de notre terroir pour que les invités puissent danser aisément. Nos griots peuvent aussi s’associer à nos instrumentalistes traditionnels afin de les aider à vivre de leur art.
Qui se souvient de la dernière fois où il a vu ses parents danser en public ? Qui a vu les marionnettes dogons en spectacle à Bamako ?
En tous cas, pas moi.