En matière de culture, Tombouctou a toujours été une référence. Son patrimoine culturel immatériel, avant la crise de 2012, attirait des milliers de touristes. Aujourd’hui, ce patrimoine d’une valeur inestimable est presque méconnu ou inconnu des Tombouctiens, surtout de la nouvelle génération, estime le blogueur Seyni Faye Arno.
A Tombouctou chaque quartier ou corporation a sa danse propre. Il ne s’agit pas de simples pas de danses, mais de rythmes et cadences mêlant magie et exorcisme. Les plus populaires sont, entre autres, le barbarba, le hala, le belle’idjé, le djindjé, le diaba, ou le koullou.
Chaque pas de danse exécuté par un membre d’une communauté est synonyme d’appel aux génies protecteurs contre les mauvaises langues ou le mauvais sort.
A Chaque quartier ou corporation sa danse
Le Barbara est propre au quartier Djingareiber et aux bouchers de Tombouctou. A travers cette danse, le maitre boucher éloigne le malheur des médisances ou du mauvais sort. Cet exercice protège aussi le boucher des accidents propres à son métier. « La danse des bouchers est une sorte d’exorcisme, parce que les bouchers sont exposés à des objets dangereux, mais aussi aux mauvaises langues, surtout celles des clientes exigeantes », explique Sané Chirfi Alpha, enseignant et écrivain réputé à Tombouctou.
Le Dimba appartient aux habitants de Sankoré et des maçons de la ville. Il est l’expression du pouvoir des hauts risques. Cette danse permet aux maçons d’arrêter les murs s’écroulant. La tradition dit qu’ils peuvent même se transformer en margouillats sur un mur qui est sur le point de s’écrouler. Le Dimba est la danse traditionnelle des familles de maçons Koba Hou et Haman Hou.
Une philosophie de vie
L’homme de culture, Sane Chirfi Alpha, voit dans ces danses une certaine philosophie de vie : « Dans certains cas, la danse magnifie le travail, dans d’autres elle permet d’oublier la fatigue du travail, ajoute-t-il. Les mineurs de Taoudeni, à travers leurs pas de danses, magnifient le travail qu’ils écrasent et ça permet d’oublier ses douleurs, de tirer une philosophie de ce travail imposé.».
À Sareikeina, quartier de Tombouctou, les cultivateurs dansent le Hala pour célébrer la bonne récolte, présage d’une autre bonne saison. Pendant la danse du Hala, les cultivateurs annoncent leur arrivée par des cris de joie. Houes en main, ils font semblant de piocher, semer comme s’ils étaient au champ. Tout en avançant au milieu de la foule, le chef des paysans lève sa houe vers le ciel et danse, les autres l’imitent. Puis, des femmes se jettent au milieu des danseurs.
Art de la danse parfaite
Bellé-idjé, danse pleine d’émotion, est l’expression d’un corps soumis, témoin d’une vie forte et dure. A cela, s’ajoute le Djindjé harmonieux, cadence extraordinaire et expression de convention, art de la danse parfaite, apanage d’un corps maîtrisé.
Le Diaba est une danse traditionnelle des Tamasheqs noirs de Tombouctou. Autour d’une calebasse renversée dans une bassine, ils célèbrent la bonne récolte en tapant dans la calebasse à l’aide d’une ou deux baguettes terminées chacune par un chiffon attaché en boule. Cette danse se déroule l’après-midi, principalement dans le quartier des Tamasheqs noirs, Bellafarandi.
Une tradition oubliée
Aujourd’hui, ces danses ont presque disparu de la culture tombouctienne. On ne les voit plus lors des grandes cérémonies. Une situation que beaucoup regrettent. « Nos danses sont délaissées par les conservateurs eux-mêmes, qui ne perpétuent plus la tradition. Ils ont tout orienté vers la modernisation. Il faut revenir à la source. La jeune génération méconnait ces danses », estime Moulaye Kader, enseignant à Djingareiber.
Il explique que jadis, lorsqu’une délégation étrangère arrivait à Tombouctou, ces danses étaient exécutées, donnant ainsi par la même occasion l’opportunité aux populations de les découvrir. Un appel aux hommes de culture pour la renaissance de la culture tombouctienne.