À Korodougou, dans le cercle de Bla (Ségou), la fête du Ntenenko est revalorisée après une période de disparition. La renaissance de cette tradition n’est pas vue d’un bon œil par tout le monde.
Nous sommes à Ouassasso, un village de Korodougou, à environ 40 km au nord-est de Bla (Ségou). Dans ce village et plusieurs autres du cercle de Bla, se pratiquait le Ntenenko, une fête organisée après les récoltes.
Chaque village avait sa semaine de célébration, qui commençait le lundi, «ntɛnɛn » en langue bamanankan et à partir duquel est formé le nom de la fête. Cette fête culturelle et coutumière rassemblait, chaque année, tous les habitants du village pendant une semaine. Elle avait pour but de raffermir non seulement les relations entre les habitants, mais aussi les relations avec les villages voisins. Toutes les possibilités de spectacles étaient exploitées pendant cette semaine : épreuve de fouet, tam-tam, balafon, danse des masques, jeux des marionnettes…
Disparition forcée
Le «Ntomi», qui constitue le premier spectacle du Ntenenko, est une épreuve d’endurance au cours de laquelle les jeunes garçons devaient se soumettre réciproquement à des coups de fouet en public, pour prouver qu’ils sont capables de supporter la douleur sans pleurer.
Dans son livre Si Ouassasso m’était conté, l’ancien ministre malien de l’Agriculture, Yaranga Coulibaly, explique en profondeur cette tradition ancienne des Bamanan. « Le Ntomi était une étape importante dans l’éducation du jeune garçon avant la circoncision. C’est ainsi qu’il apprenait déjà à être un homme en affrontant avec courage une épreuve difficile », explique Drissa Coulibaly, un habitant de Ouassasso.
Cette tradition, qui a marqué l’enfance des milliers d’hommes et de femmes de cette partie du Mali, n’est plus qu’un lointain souvenir. Nous n’avons pu trouver les raisons de sa disparition. Mais certains pointent du doigt l’arrivée de la religion musulmane et le poids de la modernité. Bougoutié Coulibaly, ressortissant de Korodougou, estime que l’intensification de l’exode rural, la dispersion du village et l’influence de l’islam sont des raisons possibles de cette disparition.
Le festival Ntenenko
Il est à noter que grâce à ce genre de tradition, les habitants de ces villages gardaient des liens sacrés. Mais depuis sa disparition, c’est la dispersion. Encore pire, il devenu très difficile de concevoir des projets de développement. Soucieuse de cette situation, l’Association des ressortissants et sympathisants de Ouassasso (ARSO) a décidé, depuis trois ans, de faire revivre la fête traditionnelle du Ntenenko sous forme de festival annuel : « Il ne s’agit plus d’une simple fête mais d’un évènement permettant de rassembler tout le village autour de projets de développement local », précise Karim Minkoro Coulibaly, secrétaire général de l’ARSO.
Le festival Ntenenko de Ouassasso, qui a déjà connu deux éditions, a pour objectif de réunir encore les jeunes de Korodougou pour danser et chanter. Elle permet également à la jeunesse de s’imprégner de la tradition tout en s’amusant. Sur une durée de trois jours, le festival accueille des milliers de personnes.
Ce retour du Ntenenko, à travers le festival, n’est pas vu d’un bon œil par tout le monde. Bourama Coulibaly, également ressortissant de Ouassasso, 72 ans, ne s’en cache pas : « Ce retour voilé du Ntenenko n’est qu’un amusement qui n’apporte rien. Je suis complètement opposé à cette tradition qui, par ailleurs, est en contradiction avec notre religion, l’islam. »