Dans le cercle de Kénieba (Kayes), les activités d’orpaillage ont détruit les berges et le nid de la Falémé. Cette situation, qui dure depuis plusieurs années, est en passe de devenir une catastrophe environnementale.
En se rendant dans la localité de Mahinamine ou dans d’autres villages du cercle de Kénieba traversées par la Falémé, affluent du fleuve Sénégal, le visage du voyageur devient crispé à cause du spectacle qui s’offre à lui : le cours d’eau qui sert de frontière naturelle entre le Mali et le Sénégal est méconnaissable, principalement à cause de l’exploitation abusive de l’or.
La dégradation de l’environnement, son agression dans le cercle de Kénieba a atteint un seuil critique avec l’exploitation de l’or par dragage. Le nid et les berges de la Falémé ainsi que autres cours d’eau sont pollués. A Fadougou, l’un des villages environnants, le constat est amer et inquiétant. Il n’y a plus trace d’eau du côté de la frontière malienne. Autrefois couverts par l’eau, le sable et les cailloux s’offrent maintenant à la vue.
Drame écologique
Les impacts des activités d’orpaillage, notamment par des ressortissants chinois, sont visibles sur les berges et le nid du fleuve. C’est un danger sanitaire qui pèse sur les habitants, et la situation inquiète. « Durant notre enfance, on se baignait dans rivière. Mais aujourd’hui, en arrivant ici, nous n’avons que nos yeux pour pleurer », regrette Amara Diakité, un ressortissant de la localité.
La gravité de la situation amène à se poser une question : comment les autorités locales exercent leur pouvoir ? Depuis des années, c’est au nez et à la barbe de celles-ci que se déroule cette pollution des berges et du nid de la Falémé. Pourtant, très peu d’actions dissuasives sont menées pour stopper ce qui est en passe de devenir un drame écologique dans la région de Kayes, particulièrement dans le cercle de Kéniéba.
En plus des ressortissants chinois, ceux de pays d’Afrique de l’Ouest exercent sur ces sites d’orpaillage. Ils font recours aux produits chimiques tel que le cyanure, pour chercher de l’or, sans se soucier de ses effets sur le sol. Disposant de nombreux sites d’extraction, ils sont de plus en plus pointés du doigt par les habitants qui les accusent d’extraire de l’or, en faisant fi des règles environnementales. Tout ceci se fait sans que les autorités locales ne pipent mot.
« Crime environnemental »
D’ailleurs, au sein des populations, nombreux sont ceux qui sont d’avis que c’est sous la protection de certains élus communaux que ces actions de destruction environnementale se déroulent. « On se demande comment ces personnes, qui à longueur de journée détruisent notre environnement, obtiennent des documents pour faire un tel travail », s’insurge un habitant.
En dehors de la Falémé, les autres cours d’eau situés du côté de la frontière guinéenne, tout comme ceux de la localité de Sadiola, sont également pollués. Ces cours d’eau, qui favorisaient les activités maraîchères et servaient à la consommation, ne sont plus utilisables à cause de l’usage courant et excessif des produits chimiques.
Pour sauver les berges et le nid des cours d’eau pollués dans le cercle de Kénieba, le conseil local de la société civile de Kénieba s’est lancé dans une action de plaidoirie depuis 2021, auprès des autorités locales et nationales afin d’obtenir la restauration des endroits détruits par les pollueurs.
Mais, à ce jour, rien n’a encore bougé, au grand étonnement de la société civile qui dénonce une « attitude méprisante » des autorités locales. Dans une missive datée du 4 avril 2022 et adressée au premier ministre, Choguel Maïga, elle « demande son intervention », afin que des actions concrètes soient prises pour mettre fin à ce qu’elle qualifie de « crime environnemental ».
Pour mettre fin à cette tragédie sur l’environnement dans le cercle de Kayes, les services en charge de l’environnement doivent jouer pleinement leur rôle en faisant arrêter tous les contrevenants pour que ces derniers subissent la rigueur de la loi sur les délits de pollution de l’environnement. En plus de cela, Mamadou Dabo, président local de la société civile du cercle de Kénieba, préconise que soit appliqué le principe du pollueur-payeur à ceux qui ont mené des actions nuisibles sur l’environnement.