La répression d’« anciens esclaves », refusant d’assumer ce statut réducteur dans la région de Kayes, pourrait être la boîte de Pandore d’une insécurité multiforme, ouvrant la voie à l’émergence de groupes extrémistes à l’affût. L’esclavage par ascendance représente un terreau potentiel d’instabilité dans cette région.
En dépit de son abolition, la pratique de l’esclavage par ascendance perdure, sous diverses formes, dans nombre d’États sahéliens dont le Mali. Ces dernières années, le déplacement massif d’« anciens esclaves » qui refusent d’assumer ce statut dans la région de Kayes, devenue l’épicentre des révoltes contre la pratique, n’est que la partie visible de l’iceberg que les pouvoirs publics se refusent malgré tout de regarder en face.
Pourtant, les conflits en cours dans cette région, située dans l’extrême ouest du pays, zone aurifère par excellence, pourraient être porteurs de germes de déstabilisation. La région de Kayes est jusque-là à l’abri des conflits armés qui secouent le nord et le centre du pays, et ravivés par la percée des groupes extrémistes violents sous la bannière de l’islam.
Terreau fertile
La lutte contre la pratique de l’esclavage par ascendance pourrait constituer un terreau fertile à l’enracinement des groupes extrémistes en pleine expansion dans le Sahel occidental (Kayes, Koulikoro). Et même constituer une sérieuse menace pour la relative stabilité des pays limitrophes. Tout comme ces groupes ont su exploiter les rivalités entre groupes socioprofessionnels au centre du Mali, il est possible également qu’ils gagent l’adhésion des frustrés de l’esclavagisme à leur cause.
Aussi longtemps que le pouvoir central et les légitimités locales et traditionnelles persisteront dans le déni de la pratique, l’assimilant aux « coutumes », les insurrections qui se limitent pour le moment à un refus formel de se conformer aux statuts figés, voulant maintenir indéfiniment les uns sous le joug des autres, pourraient prendre des dimensions imprévisibles. Et le Mali ne doit pas s’offrir le luxe de laisser émerger un autre foyer d’insécurité, qui plus concernerait une région constituant un poumon économique du pays.
« Le temps de la servitude est révolu »
Des réponses appropriées s’imposent pour empêcher à ce nouveau brasier de s’enflammer et emporter peut-être le peu qu’il nous reste à préserver. Les tenants du système actuel doivent le comprendre, le temps de la servitude est révolu. Mieux vaut tourner pacifiquement cette page.
Ceux qui se réclament maîtres aujourd’hui de tel lopin de terre le doivent à des circonstances historiques qui sont loin d’être immuables. Et des signaux avant-coureurs sont déjà là pour le rappeler. C’est le dernier virage pour revenir à la vie véritablement républicaine, régit par des droits et devoirs, offrant à tous les mêmes chances.