Elle n’avait jamais cru qu’un jour, les coups de pieds et les uppercuts remplaceraient les caresses que son mari lui donnait. Et pourtant, c’est arrivé !
Je me rappelle, au début de leur « si grand amour », il lui disait être trop jaloux. Je me suis dit que la jalousie était preuve d’amour. Il faut dire qu’ils ont pris le temps de se connaître. Lui semblait hésiter avant de se résoudre à l’épouser. Mais lorsque la vie commune a commencé, c’est un enfer qui a débuté pour Hawa (pseudo). Son amoureux a revêtu un habit de dictateur, d’une jalousie indescriptible.
C’est à croire qu’elle n’avait aucune morale maintenant qu’elle est devenue sa femme. Elle n’avait plus le droit d’avoir des amis de l’autre sexe. Je dois vous avouer que ma sœur a commencé à s’inquiéter sérieusement quand les plaintes de son époux sont devenues quotidiennes.
Éducation et principes
Que faire ? Résister ? Ne pas se laisser soustraire à la vie sociale comme il tente de le faire. Continuer son travail aussi, car elle avait fini par se lasser de lui expliquer que son éducation et ses principes ne lui permettaient pas d’avoir des relations sexuelles hors mariage.
Aujourd’hui, il a franchi le cap de l’agression morale. Ma sœur est devenue une femme battue. C’est arrivé tôt le matin du 25 mars, selon Hawa, jour de Pâques. Elle raconte qu’elle est sortie pour faire des achats à la boutique. N’ayant pas pris sa moto, elle a mis un certain temps à revenir au domicile conjugal. Le mari, entretemps, est rentré dans une colère noire. La jalousie lui dictant tous les scenarios possibles.
D’après Hawa, à peine avait-elle franchi le portail qu’il a commencé à la rouer de coups. Elle eut tout juste le temps de voir une lueur de folie dans ses yeux. « Bordel, prostituée, tu es passée où depuis ce matin ? Dévergondée ! ». Elle en a reçu partout, sur la tête, au visage au point de se retrouver déshabillée.
Ma sœur s’est défendue
Il n’était pas question pour Hawa de se laisser battre par son mari. Elle s’est défendu donc. « C’est toi le vagabond sexuel qui veut me salir et me frapper? Approche-toi-lâche ! », criait-elle.
Tout en parlant, elle cherchait un couteau, un bâton pour se défendre. Elle ne faisait pas comme celles qui se contentent d’encaisser les coups et aller pleurer dans les bras de leur mère.
Les voisins sont venus s’interposer alors qu’elle le fixait droit dans les yeux. Il a su qu’elle n’avait pas peur de lui, qu’elle ne se laisserait plus faire.
Femmes battues, un problème
Malheureusement, ma sœur est loin d’être la seule femme battue au Mali. Les années 2017, 2018 et même 2019 ont été particulièrement meurtrières pour les épouses. Au Mali, la violence subie par les femmes gagne en ampleur. En 2015, la fille d’un ex-ministre a été battue à mort par son mari, un homme de la haute société.
En 2015, dans le cadre du système de gestion des informations sur les VBG, le Mali a enregistré 1284 cas de violences basées sur le genre. Le tableau est sombre pour un pays qui se dit résolument engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Suite à l’assassinat par son mari d’une standardiste de la présidence dans la nuit du 28 au 29 décembre, les militants des droits de l’homme et organisations de la société civile ont dénoncé, lors d’une marche, ce qu’ils ont appelés l’augmentation et la banalisation des violences conjugales.
Maintenant, j’ai peur pour ma sœur. Oui, j’ai peur que sa vie ne devienne que coups et rabaissement, dans un pays où subir les violences de son mari est culturel.