Aïda Hamahady Oualate : face aux VBG, « États et ONG n’arrivent pas à coordonner leurs actions »
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Aïda Hamahady Oualate : face aux VBG, « États et ONG n’arrivent pas à coordonner leurs actions »

En juin 2020, l’ONG Justice and Dignity for the Women of Sahel (JDWS), a publié une étude sur l’impact de la pandémie de coronavirus sur les violences basées sur le genre (VBG) dans six pays sahéliens dont le Mali. Aïda Hamahady Oualate, la présidente fondatrice de l’organisation non gouvernementale dédiée à la protection des sahéliennes contre les violences, revient pour Benbere sur les conclusions de l’étude.

Benbere : Quelle est l’incidence de la crise sanitaire sur les VBG dans cette région ?

Aida Hamahady Oualate : La crise sanitaire liée à la Covid-19 a eu un impact négatif, avec une montée significative du nombre de femmes et de filles victimes de maltraitance. Sur un nombre total de 1056 femmes/filles enquêtées dans les six pays (Burkina Faso, Mauritanie, Mali, Niger, Sénégal et le Tchad), le taux de violences, qu’elles soient physiques ou verbales, est passé de 40,63 % avant la crise sanitaire à 52,18 % durant la pandémie. Soit un taux d’accroissement de plus de 12 %.

Le Mali est relativement moins touché par la Covid-19 que d’autres pays du Sahel. Qu’est-ce qui y explique l’augmentation de violences à l’encontre des femmes ?

Les violences s’y sont accrues en raison de plusieurs facteurs, parmi lesquels figurent les restrictions d’activités des femmes leur permettant une certaine autonomie. Il y a également des facteurs immédiats liés à la crise d’ordre institutionnel et sécuritaire qui sévit dans le pays.

Les femmes maliennes, à l’instar de celles des six pays de la bande du Sahel, se trouvent confrontées à la persistance du poids des traditions et du système féodal. Ce système confère l’exercice du pouvoir aux hommes et exclut d’office les femmes de la prise de décision. Ce qui les maintient dans une soumission et dépendance totale à l’homme. Tous ces facteurs, en plus de la Covid-19, ont participé à cette hausse des cas de VBG enregistrés durant cette période.

La fermeture des écoles à cause de la pandémie expose les filles aux violences. Au Mali, où des classes sont fermées depuis des années, quels mécanismes de protection à envisager pour les filles ?

La solution, c’est d’appuyer les efforts déployés par le gouvernement malien pour créer un environnement qui protège les droits de l’enfant, notamment ceux de la fille en renforçant les cadres juridiques et politiques nationaux et internationaux. Il est non seulement important de mettre un accent sur la scolarisation des filles, mais aussi d’instaurer des mécanismes de prévention et de réponse aux violences qu’elles subissent à tous les niveaux.

Par ailleurs, il faut des actions fortes pour détecter, prévenir et traiter toutes les atteintes à la protection des filles au Mali. Il s’agit notamment des pratiques néfastes comme l’exploitation, les déplacements. Aussi, faut-il couvrir leurs besoins spécifiques sur le plan humanitaire et de développement.

Quelle prise en charge pour les populations sahéliennes vivant dans des zones difficiles d’accès en cette période de Covid19 ?

Pour les zones difficiles d’accès ou en proie à des conflits, le travail doit être axé sur le renforcement de la résilience des communautés et des familles. Cela est important afin qu’elles puissent, en tant qu’intervenantes de première ligne, prévenir, détecter et alerter les services de prise en charge sur les cas identifiés.

Il faut, à cet égard, aider les ménages à faible revenu à affronter la crise. Car aussi bien l’époux que la femme ont, en raison de la pandémie, perdu leurs emplois et sont beaucoup plus vulnérables. Cette situation peut en elle seule être source de VBG.

Il faudrait également renforcer les structures sanitaires et faciliter la prise en charge médicale de ces ménages. Ce renforcement vaut aussi pour les structures juridiques, en mettant en place des lois fortes pour la protection des femmes et des filles. Enfin, il faudrait que les États mettent à la disposition de la population des numéros verts pour secourir et alerter sur les cas de VBG.

 Quid du fonctionnement des structures traditionnelles de prise en charge de cas de VBG sous la Covid-19 ?

Les restrictions de mouvements et les horaires réaménagés n’ont pas facilité leur travail de veille et de prise en charge conformément à leur engagement. Certaines sont très peu outillées face à l’ampleur de la question. En effet, l’aide et l’assistance qui provenaient des bailleurs de fonds sont suspendues en raison de la pandémie qui sévit chez les partenaires habituels, qui soutiennent aussi bien les structures étatiques que privées. À ceci, viennent s’ajouter des dysfonctionnements du système de protection porté par une diversité d’acteurs (État et ONG) qui ont du mal à coordonner leurs interventions.


Retrouvez ici le rapport complet

Analyse rapide de l’impact de la pandémie liée au COVID-19 sur les violences faites aux femmes et aux Filles au Sahel

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