Côte d’Ivoire : baisse des accouchements à domicile à Abidjan
article comment count is: 0

Côte d’Ivoire : baisse des accouchements à domicile à Abidjan

En Côte d’Ivoire, la mauvaise perception des services de maternité pousse de nombreuses femmes enceintes à accoucher à domicile, avec de graves risques pour la mère et l’enfant. Les autorités œuvrent depuis 2014 pour changer la donne. La tendance semble à la baisse.

Une feuille de note et un stylo en main, Mathurin Bréka, infirmier officiant à Abobo, un quartier d’Abidjan, s’apprête à aller à la rencontre des femmes enceintes dans les modestes ménages de la capitale économique ivoirienne. L’agent de santé fait partie des 7.800 agents qui parcourent quotidiennement le territoire ivoirien, depuis 2014, pour porter assistance aux femmes enceintes et les encourager à accoucher dans les centres de santé.

« Nous établissons d’entrée une relation de confiance, explique-t-il. Car selon la période de grossesse, nous sommes amenés à rester en contact jusqu’à terme. C’est dire que nous avons entre un et six mois pour convaincre chaque cas sur la nécessité de choisir l’hôpital pour accoucher. »

Un taux de mortalité relativement en baisse

Ce dispositif vise à réduire les accouchements à domicile et les risques liés à la maternité. « La visite régulière à la maternité, le respect des vaccins, mais surtout le choix du centre de santé comme lieu d’accouchement sont les thèmes essentiels des échanges. Et ces derniers mois, nous notons une adhésion réelle des unes et des autres », s’enthousiasme Mathurin Bréka, qui couvre une centaine de ménages.

Il en veut pour preuve qu’au mois de mars 2021, l’hôpital général d’Abobo-sud a dénombré seulement 11 accouchements à domicile dont deux cas compliqués sur les 360 accouchements recensés. A la même période en 2020, l’établissement avait enregistré 345 accouchements dont 65 cas à domicile et deux décès.

A Marcory, au sud d’Abidjan, ce sont environ 30 accouchements à domicile dont 5 complications qui ont été signalés sur les 300 notifiés, il y a quatre mois. Contre 76 accouchements à domicile sur 289, deux ans plus tôt. « Il y a un travail de fond qui est fait. La première année a été difficile en raison de quelques réserves d’ordre culturel ou financier dans des ménages. Mais aujourd’hui, les réactions sont positives », soutient Lamine Timité, un autre agent communautaire basé à Adjamé (centre d’Abidjan).

Accoucher en sécurité

Dans sa maison d’une pièce à Gobelet, un quartier précaire au nord-est d’Abidjan, le frigoriste Claver Gnizako, 32 ans, ne manque pas de rappeler chaque lundi à sa compagne, Caroline Kodja, 28 ans, la visite de l’agent de santé. Depuis le début de la grossesse de sa compagne, Gnizako est méticuleux sur les recommandations de l’agent.

« Il y a trois ans, j’avais failli perdre Caroline », se souvient-t-il encore, feuilletant un carnet de santé. « Au terme de sa première grossesse, elle avait accouché à la maison. Avec mon revenu mensuel de 25.000 francs, je ne pouvais pas assurer le coût de l’accouchement qui s’élevait à 8.750 FCFA, car tout ce qui me restait devait assurer le trousseau », raconte-t-il.

Au cours de l’accouchement, la jeune femme avait failli y perdre la vie. Depuis cet épisode, Gnizako suit à la lettre les recommandations de l’agent communautaire. « J’irai moi-même à l’hôpital le jour de l’accouchement. Même si les moyens ne sont pas suffisants ce jour-là, on trouvera un terrain d’entente avec les sages-femmes. La priorité sera de faire accoucher Caroline d’abord afin qu’elle soit en sécurité », s’engage-t-il résolument.

614 décès maternels pour 100.000 naissances

Dans son rapport de 2019 sur la situation des femmes et des enfants en Côte d’Ivoire, le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef), qui forme ces agents de santé communautaires, a signalé 614 décès maternels pour 100.000 naissances. Pour obtenir une baisse significative de ce taux à moyen terme, « il faudra poursuivre l’assistance des accouchements par du personnel qualifié afin de rétablir la confiance de base avec les femmes », préconise Geoffroy Kouadio, gynécologue à Sassandra (sud-ouest du pays).

Il faudra également imposer six heures d’observation pour une femme qui vient d’accoucher, suggère le professionnel de santé. « Nos maternités observent à peine deux heures, alors que 60 % des décès maternels surviennent généralement 48 heures après l’accouchement », conclut-il.


Vous pouvez aussi relire sur Benbere :

Côte d’Ivoire : difficile suivi de grossesse dans les zones reculées

Partagez-nous votre opinion