Au Mali, une gouvernance par et sur les réseaux sociaux ?
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Au Mali, une gouvernance par et sur les réseaux sociaux ?

Comment la structure administrative publique, censée être plus proche des citoyens, s’est si éloignée au point de laisser les réseaux sociaux devenir des canaux privilégiés pour alerter ? La question mérite d’être posée, au moment où, pour susciter une réaction diligente de l’administration, il faut passer par les réseaux sociaux.

Les situations dramatiques évitées de justesse sont nombreuses, par une réaction in extremis de l’administration, après que le service concerné a été interpellé désespérément sur les réseaux sociaux. Nombreuses aussi sont-elles les personnes remises dans leurs droits après avoir effectué une action de dénonciation via les mêmes canaux. Face à un drame, certains citoyens ont bénéficié d’une prompte assistance de l’administration après avoir parlé de leur situation sur ces plateformes. D’autres, pour solliciter l’accompagnement de l’administration dans la mise en œuvre de leurs projets, ont dû recourir à des personnalités connues sur les réseaux sociaux comme relais.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les réseaux sociaux sont devenus un canal exploité par les citoyens pour attirer l’attention de l’administration sur leurs préoccupations. Et, comme par un effet de magie, il est plus certain et efficace d’atteindre l’administration en passant par les réseaux sociaux qu’à travers le circuit administratif. L’administration, malgré autant d’infrastructures, n’est pas proche des populations, ni à leur écoute. Une phrase culte dit que les hommes politiques, par la différence de statut, sont éloignés des préoccupations du citoyen lambda. Il se dit aussi qu’une fois élus, ces acteurs politiques s’enferment dans des bâtiments haute classe et des véhicules vitres teintées, loin désormais du contact des populations. À l’image des hommes politiques, l’administration aussi s’éloigne des citoyens.

De la poudre aux yeux

Parce que le monde se digitalise, et qu’il faut opérer une mutation pour être au plus près des populations, un vent de modernisme a touché le pays. Les structures publiques, dans leur grande majorité, ont mis en place des plateformes virtuelles pour répondre mieux et plus aux requêtes des citoyens. Problème : elles ne sont pas entretenues. Des sites web ou des comptes Facebook inopérants au nom de structures publiques abondent sur internet. Ils sont créés et abandonnés dans le large espace virtuel du monde. Certains services essaient d’innover leur processus administratif : ces tentatives se terminent par un échec cuisant, dont ils ne se relèvent jamais d’ailleurs. En témoigne l’exemple de la mise en place du système d’obtention de la fiche individuelle NINA sur un site web créé par la Direction nationale de l’état civil (DNEC).

Pour les quelques services publics qui animent régulièrement leurs plateformes virtuelles, ce n’est souvent que dans une visée informative, en relayant toutes les actualités de la structure concernée. Les gestionnaires de sites web ou de comptes Facebook et autres de services étatiques ne répondent pas aux sollicitations de bonne foi des internautes-citoyens, ou quand c’est le cas – contre toute vertu professionnelle – se comportent mal à leur égard : invectives ou propos acerbes sont donnés en réponse à ceux qui attirent l’attention de leurs services sur des faits les concernant.

Mécanisme de substitution

Lorsqu’une requête reste dans une attente interminable dans le circuit administratif, sans réaction aucune, il suffit de porter l’affaire sur les réseaux sociaux. Les chances sont grandes d’atteindre l’administration et d’obtenir gain de cause. Une victime d’abus ou d’actes de corruption a moins de chance d’obtenir gain de cause en passant par la voie administrative. Une publication sur les réseaux sociaux, partagée par d’autres utilisateurs, suffit pour pousser l’administration à réagir.

Quelle est, dès lors, l’efficacité d’une administration qui se doit d’être au service des populations, mais qui n’agit que lorsque le citoyen l’alerte sur les réseaux sociaux, à coup de cris ? La réponse à cette question doit inciter à une remise en cause de notre administration publique. Lorsque les citoyens perdent confiance en l’État dans la résolution de leurs préoccupations, ils ont tendance à se tourner naturellement vers des acteurs leur proposant mieux. Les réseaux sociaux, sans dénier leur utilité dans le rapprochement décideurs-citoyens, ne devraient pas se substituer aux mécanismes administratifs structurels. Ils auraient dû faciliter davantage la promptitude de l’administration et non devenir une solution miracle pour l’inciter à réagir.

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