Si Alassane Ouattara, le « libéral » soutenu par la communauté internationale, peut se maintenir au pouvoir à la suite d’un changement de la Constitution, qu’est-ce qui empêcherait les autres présidents de la région de le faire ?
Le 6 août, le président ivoirien Alassane Ouattara a déclaré sa candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020. Cette déclaration n’a pas été une surprise, puisque ses proches avaient préparé le terrain depuis le décès brusque du dauphin Amadou Gon Coulibaly, le 8 juillet.
En effet, ces dernières semaines, il était difficile d’écouter le journal Afrique de Radio France Internationale ou de n’importe quel autre media sans entendre un cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), parti du président Ouattara, supplier ce dernier de se porter candidat. Ces cadres expliquaient que le président Ouattara avait respecté sa volonté de transférer le pouvoir aux jeunes générations, mais que le décès du candidat désigné avait créé une situation exceptionnelle qui nécessitait des décisions exceptionnelles.
Dans son discours, Alassane Ouattara justifie sa candidature comme un « sacrifice » qu’il doit accepter pour préserver les acquis de paix et de progrès, la sécurité nationale et sous-régionale, etc. Il laisse entendre que s’il ne se présente pas, il y a un risque que la Cote d’Ivoire « recule dans bien des domaines ».
Une candidature risquée pour la Côte d’Ivoire
Mais, en analysant la situation ivoirienne et sous-régionale de plus près, on constate que briguer un nouveau mandat risque plutôt de perturber et la Cote d’Ivoire et la CEDEAO tout entière.
Si Ouattara gagne un nouveau mandat à l’issue de l’élection du 31 octobre, il sera de plus en plus contesté. Il sera classé, à tort ou à raison, dans la catégorie de ces autocrates africains qui manipulent les Constitutions pour se maintenir au pouvoir, au profit de leur seule famille ou de leur parti. Or, Alassane Ouattara a toujours donné l’image d’un démocrate libéral plus ou moins exemplaire, et la communauté internationale l’a toujours soutenu à ce titre. Depuis le jour où il se présente pour un nouveau mandat, cette image positive est écornée, sa légitimité affaiblie et le risque d’instabilité pour la Cote d’Ivoire est grand.
Un facteur d’instabilité pour les pays voisins
En plus de risquer d’attiser les tensions en Côte d’Ivoire, la candidature du président Ouattara pourrait être un facteur d’instabilité pour les pays voisins. Si Ouattara, le « libéral » soutenu par la communauté internationale, peut se maintenir au pouvoir à la suite d’un changement de la Constitution, qu’est-ce qui empêcherait les autres présidents de la région de le faire ? Déjà, en Guinée, Alpha Condé, opposant historique contre les dictatures pendant plusieurs décennies, semble déterminé à se maintenir au pouvoir malgré la contestation et des dizaines de manifestants tués. Or, les jeunes des pays de la CEDEAO ont montré à plusieurs reprises qu’ils ont du mal à tolérer les « présidents à vie ». Les Sénégalais l’ont prouvé en se débarrassant d’Abdoulaye Wade en 2012 et les Burkinabè l’ont confirmé en chassant Blaise Compaoré en 2014.
Enfin, un nouveau mandat d’Alassane Ouattara dans un pays aussi important économiquement et stratégiquement que la Côte d’Ivoire risque de porter atteinte à la crédibilité de la CEDEAO comme institution et à sa capacité d’arbitrage dans les conflits des États membres. En effet, Alassane Ouattara a déclaré sa candidature quelques jours seulement après avoir participé à une mission des chefs d’États de la CEDEAO à Bamako en vue de trouver une issue à la crise politique malienne. Maintenant, comment la parole de la CEDEAO peut être audible sur ce dossier et sur les autres, si certains des présidents médiateurs de cette institution sont en train de prendre des décisions très contestées et susceptibles d’engendrer des crises dans leurs propres pays ?
- Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere.