[Tribune] Mali : la Cour constitutionnelle est indissoluble légalement
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[Tribune] Mali : la Cour constitutionnelle est indissoluble légalement

Le président Ibrahim Boubacar Keïta a décidé d’abroger le décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle, conduisant ainsi à une « dissolution de fait ». Cette décision, selon le blogueur Yacouba Dramé, risque de compliquer davantage la sortie de crise. 

En s’adressant à la nation le 11 juillet 2020, en pleine escalade des tensions entre les manifestants liés au Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) et les forces de l’ordre, le président Ibrahim Boubacar Keïta a décidé d’abroger le décret de nomination des membres restants de la Cour constitutionnelle.

C’est la première fois, depuis l’avènement de la démocratie à la suite du soulèvement populaire de mars 1991, qu’un président de la République dissout la Cour constitutionnelle. Cette décision, si elle semble être bien accueillie par certains au sein de l’opinion publique nationale, suscite scepticisme et interrogation du côté des «hommes de droit». 

« Dissolution de fait »

Les conséquences juridiques de cette «dissolution de fait» sont énormes pour le président de la République et pour la survie de l’institution judiciaire. En effet, les lois organiques sur le fonctionnement de la Cour constitutionnelle et le mode de désignation prévu par la Constitution ne confèrent pas le pouvoir au président de la République de dissoudre la Cour. 

L’article 13 de la loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour stipule : « Avant  l’expiration  du  mandat,  il  ne  peut  être  mis  fin  à  titre temporaire  ou  définitif  aux  fonctions  des  membres  de  la  Cour  constitutionnelle  que dans  les  formes  prévues  pour  leur  nomination  et  après  avis  conforme  de  la  Cour statuant  à la  majorité  des 2/3  de ses membres.» Cet article a été, à mon avis, délibérément outrepassé par le président de la République.

L’indépendance de cette institution est la garantie du bon fonctionnement de la République, car elle est la gardienne de la Constitution à travers le contrôle de la constitutionnalité des lois et l’organe régulateur du fonctionnement des institutions. 

En abrogeant le décret de nomination des membres restants de la Cour, le président Keïta ouvre la voie à un dangereux précédent, car la Cour statue sur la régularité des élections présidentielles, législatives et référendaires. Et l’article 94 de la Constitution dans son alinéa 1  est très clair : «Les décisions de  la  Cour  constitutionnelle  ne  sont susceptibles  d’aucun recours. Elles s’imposent aux  pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales ».

Le président, avec cette décision, peut menacer les juges constitutionnels de révocation en cas de contentieux électoral défavorable. Cela met ainsi fin à l’indépendance de la justice. Mais, il s’expose aussi à une poursuite de haute trahison pour violation de serment devant la Haute cour de justice.

La carte de la CEDEAO

La mission de l’institution sous-régionale, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), a fait des propositions tout aussi anticonstitutionnelles que la décision illégale d’abrogation du décret de nomination des membres restants de la Cour prise par le chef de l’État, le 11 juillet. 

En effet, avec peu d’avancée sur le plan politique, la délégation de l’institution sous-régionale ajoute un «imbroglio juridique» à la crise. Elle prévoit de remembrer la Cour d’une manière qui n’est pas conforme à la Constitution : imposer une liste de choix au président Keïta, différer le choix du président de l’Assemblée nationale et ne garder que 6 membres pour réexaminer l’arrêt de l’ancienne Cour.

Il faut rappeler qu’aux termes de l’article 91 de la Constitution, le mode de désignation des 9 membres de la Cour sont explicites : trois membres sont désignés par le président de la République, trois autres par le président de l’Assemblée nationale et les trois derniers par le Conseil supérieur de la magistrature.


  • Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Benbere

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