À la veille de l’élection d’une nouvelle secrétaire générale de la Francophonie, qui n’est nulle autre que la Rwandaise Louise Mushikiwabo selon plusieurs analystes, il est grand temps de se demander ce qu’il reste des valeurs de la Francophonie et sa réelle mission.
Dans quel impossible projet Onésime Reclus avait lancé la Francophonie, portée aujourd’hui par l’OIF (l’Organisation Internationale de la Francophonie) ? Déjà fatiguée d’avoir à propager une langue en déclin, le français, il lui fallait en plus véhiculer des « valeurs universalistes, de paix, de démocratie et des droits de l’Homme ». En Atlas humaniste, la Francophonie devait soutenir une écorce composée d’un substrat de liberté mêlée à la solidarité, de plus en plus écorchée ces derniers temps, il est vrai.
Une OIF urbi et orbi
La mission de l’OIF (Outil d’Influence de la France) se troublait davantage. Elle avait intégré en son sein des pays qui, à première ouïe, ne baragouinent même pas trois mots de la langue de Molière. Citons le Qatar, certes fan de football dans l’Hexagone, ou l’Arabie Saoudite qui voulait proposer ses services au secrétariat général de la Francophonie mais vient de retirer sa demande d’adhésion. En revanche, l’Algérie, où des écrivains comme Camus sont nés, des écrivains francophones de renom pour ne citer que Kamel Daoud ou Assia Djebbar, n’a pas jugé utile d’observer cette vénérable institution (ou elle n’y a pas été invitée).
Dans un passé encore récent, la nomination, euh, l’élection à la présidence jouait les difficiles. Elle filtrait ses candidats, l’ancien président burundais Buyoya fut ainsi écarté. Ma foi, ça se comprenait ! Ses mandats au Burundi n’ont pas été portés que par des hauts-faits, loin de là ! Et ce pauvre Henri Lopes, ancien Ministre-Ambassadeur doublé d’un écrivain, renvoyé sans cesse vers son Congo-Brazzaville du fait du comportement de son président (Sassou-Nguesso) qui rechigne à quitter le trône depuis 21 années déjà.
La Francophonie entre dans le nouveau monde
Mais soyons rassurés, le Président Macron assume le caractère disruptif de ce nouveau monde. S’il n’en est absolument pas l’initiateur, il faut bien le constater que ce nouveau monde, précisément dans nombre de pays membres de l’OIF, se caractérise par une démocratie qui s’amenuise partout, où la liberté d’expression se voit sans cesse menacée. Récemment on pointait du doigt un mal qui s’est propagé dans toutes les sociétés modernes et qu’on a depuis une semaine enfin pu nommer en bon français, l’infox. Alors l’OIF avec ses valeurs de paix, de démocratie et des droits de l’Homme s’avère trop en décalage avec l’esprit présent de l’humanité et de ses dirigeants.
Voilà bien un temps révolu. Le président Macron l’a compris, si l’on en croit sa décision de hisser à la tête de l’OIF Louise Mushikiwabo, ministre des Affaires extérieures du Rwanda. Un pays qui figure comme cancre dans les classements de liberté d’expression, de respect des droits de l’Homme et liberté du journalisme. Dans ce contexte, lutter contre l’infox relève de la gageure. Le Rwanda vient même de porter un acte symbolique qui l’illustre parfaitement.
Tirez sur le caricaturiste
Il y a deux façons de s’attaquer à la caricature, l’une barbare et sanglante comme un certain 13 janvier 2015 à Paris, qui avait vu en réaction le monde entier affluer à Paris pour une marche historique. L’autre par l’effet d’une loi édictée au Rwanda le 27 septembre , qui rompt les doigts, brise les mines de crayon et éclate les bulles d’expression dans un silence aphone.
À Erevan, on aurait voulu que Charles Aznavour soit encore là pour chanter cette terrible nostalgie. Les valeurs portées par la francophonie, reprises par l’OIF, c’était la Bohème.
Celles dont, à tort, dans un exercice ethnocentrique, la France a pensé qu’elle avait pour mission de les emmener là où le soleil brille. Elle a manifestement échoué, mais faut-il pour autant se résoudre à définitivement ôter du haut de l’affiche les rôles dont on a longtemps pensé qu’ils étaient bénéfiques à l’humanité : les droits de l’Homme et la démocratie.