Si le Mali est un pays de dialogue, les Maliens doivent retenir qu’il ne suffit pas de se rassembler pour aplanir les difficultés, estime le blogueur Ousmane Makaveli à propos des Assises nationales de la refondation.
Il est 2 heures du matin et je n’arrive pas à fermer les yeux. Pour tromper l’ennui, je me mets à vagabonder sur le mur de mon compte Facebook. C’est là que je tombe sur une publication à la fois provocante et forte intéressante : « L’ouverture de la Compagnie malienne des textiles (Comatex) coûte 2 milliards, et les assises nationales de la refondation coûtent 2 milliards 500 millions. Laquelle a plus d’impact ?»
D’abord, la publication m’a paru saugrenue et déplacée voire un peu insultante pour tout le peuple malien qui souffre des multiples crises sociopolitiques et sécuritaires. Les Maliens, éprouvés depuis une décennie, espèrent une embellie avec les assises nationales de la refondation. Pour rompre avec un passé et un présent douloureux et humiliant et ainsi lancer les bases de ce que sera le « Mali Kura » [le nouveau Mali]. Comment peut-on comparer un tel projet avec la réhabilitation d’une seule entreprise ?
Méthodes anciennes
Ensuite je me suis dit que la question devrait quand même se poser, vu l’échec ou plutôt les résultats frustrants de la Conférence d’entente nationale en 2017, puis le Dialogue national inclusif en 2019.
Les Maliens ne sont-ils pas en droit de douter de l’efficacité des grands rassemblements qui prétendent discuter et décider de la destinée des citoyens. Ce sont des méthodes anciennes qui n’ont jusque-là pas porté fruit. Quelque part, la publication à elle seule reflète la pensée profonde de beaucoup de Maliens déçus et lassés par la politique. Et qui aspirent juste a un peu de sécurité et de quoi se mettre sous la dent.
Par contre, les commentaires sous la publication sont pour le moins rassurants : les avis sont favorables à l’organisation des assises nationales. Mais, loin de l’espace numérique, le Malien lambda sait-il ce que c’est que les assises nationales de la refondation ? S’intéresse-t-il à ces questions ou plutôt qu’est-ce qui est fait pour l’amener à s’intéresser à ces questions ? Malheureusement, pas grand-chose.
Selon les chiffres du Mali-Mètre de 2021, près des deux tiers des Maliens [66,1%] n’ont aucune connaissance de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Nous devons éviter de commettre la même erreur avec les assises nationales.
Quelques jours après, quand je rentrais à la maison, j’en discutais avec le chauffeur de mototaxi. Je n’étais pas du tout surpris qu’il ignore tout des assisses nationales. Pourtant, c’est un jeune diplômé d’une université publique malienne. Comment organiser des assisses nationales sans la participation de toutes les couches de la population, sans des actions qui encouragent à la participation de tout un chacun.
Pays en crise
Il faudra peut-être repenser le concept et la méthodologie des assises nationales. Et cela passe par l’identification des personnes qui porteront la voix des communautés. Il faut sortir du scénario où on fait toujours appel aux mêmes acteurs des partis politiques et la société civile. Il faut descendre dans les quartiers, dans les villages.
Chacun dans sa localité peut tenir des rassemblements pour partager les opinions et choisir les personnes de confiance qui porteront leurs voix aux assises nationales. On peut même utiliser les outils technologiques pour recenser, quantifier et comprendre les opinions.
Aussi, dépenser des milliards pour une telle activité, même si c‘est d’envergure et d’utilité nationale, me parait-il excessif. Surtout dans un pays en crise. Si les assises se font pour le Mali, les participations doivent se faire sur la base du bénévolat. Que chacun s’engage à y travailler et participer par ses propres moyens. Les milliards peuvent servir à l’armée ou pour l’éducation.
Si le Mali est un pays de dialogue, il faut aussi retenir qu’il ne suffit pas de se rassembler pour aplanir les difficultés. Il faut de la franchise, la sincérité, l’inclusivité et le courage de respecter les recommandations qui sortiront.
Nous devons avoir l’ouverture et l’intelligence pour discuter et trouver des solutions aux problèmes du pays et aussi avoir le courage d’appliquer et de respecter les solutions.