En réponse aux défis sécuritaires et politiques du Sahel, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont créé l’Alliance des États du Sahel (AES). En juillet 2024, avec la signature du traité de Confédération à Niamey, cette alliance se dote d’une gouvernance commune.
La désinformation autour de l’AES est fréquente. Il est important de rappeler que cette initiative confédérale est née dans un contexte de crise sécuritaire sévère, marqué par des instabilités politiques, des menaces terroristes croissantes et des pressions internationales. Confrontés à ces défis, le Mali, le Niger et le Burkina Faso voient dans l’AES une chance de renforcer leur solidarité régionale. Cette alliance est également perçue comme un geste de défiance vis-à-vis de la Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et des sanctions internationales, souvent vues comme des ingérences dans leurs affaires internes. L’AES s’affiche donc comme une alternative visant à renforcer leur souveraineté et à répondre aux urgences locales.
Pas une fédération
Contrairement à une fédération, dans laquelle les États transfèrent une partie de leur souveraineté pour former une entité centralisée, la confédération offre un modèle plus flexible. Chaque État membre garde son autonomie, mais s’engage à coopérer sur des objectifs communs, comme l’indique l’article 4 du traité portant création de la confédération : « Chacun des États confédérés conserve son indépendance et sa souveraineté, à l’exception des compétences déléguées à la confédération… ».
Le juriste Bachirou Kagnassy explique les nuances : « La Confédération de l’AES privilégie une coopération ciblée sur les 3 D — Défense, Développement et Diplomatie — tout en préservant la souveraineté de chaque État, favorisant une intégration souple et flexible. La Cedeao, quant à elle, fonctionne comme un bloc économique avec un marché commun, où les décisions prises à la majorité peuvent parfois provoquer des divergences. Enfin, l’Uemoa approfondit l’intégration monétaire de ses huit membres, usant du franc CFA et exigeant certains transferts de compétences pour renforcer cette unité économique. »
La gouvernance de l’AES repose sur un processus décisionnel collaboratif, impliquant chaque État membre dans toutes les grandes orientations. Trois instances forment cette gouvernance, à savoir le Collège des Chefs d’État ( pour définir les orientations stratégiques), le Conseil des ministres (chargé de la mise en œuvre des décisions dans des domaines clés comme les affaires étrangères, la sécurité et le développement) et le Parlement confédéral (garantissant une représentation démocratique pour que les préoccupations citoyennes soient prises en compte).
Les décisions sont prises à l’unanimité, garantissant une approche consensuelle qui respecte l’autonomie de chaque pays. Un expert en géopolitique, qui a requis l’anonymat, se montre sceptique quant à l’efficacité de la confédération : « Bien que cette structure permette à chaque État de conserver sa souveraineté, elle peut fragiliser la coopération. Un pays en désaccord peut bloquer une décision sans subir de contraintes juridiques, ce qui rend difficile l’adoption de politiques ambitieuses pour répondre aux crises régionales. »
Enjeux et perspectives
L’AES offre une réponse collective prometteuse face aux défis comme le terrorisme, en permettant une meilleure coordination des moyens de défense et de renseignement. Cependant, son modèle confédéral rend la prise de décision complexe, limitant parfois l’efficacité de l’action commune. Sur le plan économique, l’AES ouvre des perspectives de développement via des projets partagés, attirant ainsi potentiellement des investissements. Mais, les ambitions sont freinées par des ressources limitées et la nécessité d’une stabilité politique durable.
Si la confédération s’avère efficace pour renforcer la sécurité et la stabilité dans la région, elle pourrait évoluer vers une fédération, un modèle qui impliquerait un transfert plus marqué de compétences vers une autorité centrale. Cette perspective dépendra de la capacité des États membres à surmonter les défis de coopération et à démontrer la pertinence d’une gouvernance plus intégrée. Une fédération offrirait une capacité de réponse plus robuste aux crises régionales, mais elle exigerait des concessions de souveraineté.
L’évolution de l’AES dépendra donc de sa capacité à inspirer la confiance aux populations et aux dirigeants, et à montrer que l’intégration accrue peut être une solution durable aux défis actuels.