La Covid-19 se propage à travers Bamako à vive allure et la tendance reste à l’inobservance des mesures barrières. La situation du marché de Dabanani, lieu de convergence des populations urbaines et rurales, est très inquiétante : l’observance des mesures barrières laisse à désirer.
Le marché de Dabanani (« les quatre grandes portes ») est l’un des centres commerciaux les plus populaires de Bamako. Un foyer économique très attractif où chacun cherche à étaler ses marchandises ou à tenir un magasin à tout prix. Dans cette atmosphère tournée vers l’appât du gain, toute initiative restrictive est considérée comme illusoire quels qu’en soient les enjeux sociaux ou sanitaires qu’elle implique.
C’est dans ce spectre de négoce ambiant que la Covid-19 vient hanter le quotidien des usagers du marché, qui continuent d’ordinaire à faire des ventes et achats sans prendre au sérieux cette maladie pourtant bien réelle dans la capitale.
Risque important de propagation
En ce marché, concentrant une masse humaine considérable venue de tous les horizons, le risque de propagation du virus est asymétrique et rapide vers les autres contrées du Mali. Des commerçants détaillants, issus des régions, y transitent pour faire des affaires avec les grossistes et s’en retournent munis d’autres produits. En outre, les marchandises ne sont guère désinfectées. Seuls quelques commerçants installent devant leurs boutiques un dispositif de lavage de mains au savon que les deux tiers des clients n’utilisent que par inadvertance ou par inhabitude
Pour parer à d’éventuelle contamination, certains commerçants conditionnent l’accès à leurs boutiques au port d’un masque cumulé à la désinfection des mains avec du gel hydroalcoolique. « Quand j’ai su que la pandémie était dans notre pays, j’ai tout de suite pris au sérieux la menace qu’elle représentait en installant ce dispositif de lavage des mains au savon devant mon magasin. À l’intérieur aussi, j’ai un flacon de gel hydroalcoolique me servant à désinfecter les mains des clients ainsi que les produits qui leur sont destinés. », a confié Gassama, un vendeur de Bazin.
Négligence et foi en Dieu
La prévention de la maladie s’articule autour de l’observation stricte des mesures barrières édictées par les autorités comme la distance de sécurité, le port du masque ainsi que le fait d’éviter les accolades et de se serrer les mains.
Les usagers de cet espace commercial concurrentiel ne se sont pas conformés aux restrictions inhérentes à la maladie. Quand certains pensent que la Covid-19 est une fiction, les plus crédules s’enferment derrière le bouclier islamique qui les en protégerait en tant que croyants : « J’ai bien entendu que la maladie a fait irruption chez nous, mais cela ne m’empêche nullement de fréquenter le marché pour mes achats trois fois dans la semaine. Objectivement, je ne porte ni de gants ni de masque. Je continue à serrer des mains parce que la maladie ne tue pas. Cette prérogative est un attribut divin. Je suis musulman et donc adviendra que pourra », témoigne Sékou, un usager du marché de Dabanani.
À côté de cette dynamique marchande, caractérisée par une promiscuité presque inévitable, surtout aux heures chaudes de la journée où l’activité économique bat son plein, les passants se pressent, se piétinent devant les étalages tant la ruée humaine est importante.
Dans cette quête du profit matériel, la propagation du virus au sein des masses (vendeurs, acheteurs) s’opère à un rythme réduplicatif. Parmi ces vendeurs, les femmes d’origines rurales étalant des fruits et légumes à même le sol constituent la catégorie socioéconomique la plus fragile aux aléas de la pandémie. En effet, ces femmes n’adoptent aucun geste barrière préventif. Leur condition économique est encore plus inquiétante : n’ayant d’autres ressources que celles générées par l’activité. Elles font le voyage de leur zone à Bamako trois fois dans la semaine pour écouler leurs marchandises.
Relai de transmission
En cas d’infection, elles seront contraintes de cesser leur activité. Ce qui aurait un incident négatif sur leurs économies. À terme, elles demeurent un relai de transmission très dangereux dans les campagnes. « Mon village est situé à 15 kilomètres au sud de Bamako. Je viens ici vendre trois à quatre fois par semaine les tubercules que cultive mon mari au village. Notre foyer n’a d’autres revenus que ceux procurés par cette activité. Je suis consciente qu’une maladie sévit, mais que faire ? Mes clients sont ici à Dabanani. Je n’ai pas le choix», explique Sata, vendeuse de tubercules.
Considérant nos réalités socioéconomiques très modestes, où les citoyens vivent au jour le jour, l’isolement de la capitale ne fera qu’accroître le chômage et la pauvreté car les deux tiers de la population évoluent dans l’informel. Un confinement, même allégé, ne nous sied pas.
Le marché de Dabanani est un foyer d’échanges et de proximité de toute nature. Dans ce contexte marqué par cette pandémie, ce lieu mérite un traitement spécifique en multipliant les campagnes de sensibilisation et de dépistage du virus. Pour ce faire, l’État doit impliquer les associations des commerçants et des consommateurs dans la lutte contre le coronavirus, car le risque sanitaire encouru oblige une harmonisation des stratégies de lutte afin de minimiser sa propagation rapide au sein des populations maliennes.
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