La pandémie de Covid-19 affecte profondément le Mali. Une augmentation brutale des pertes d’emploi observées, en particulier dans les secteurs tertiaire et secondaire, devraient être compensée par des mesures fortes d’accompagnement de la part de l’État.
Cet article a d’abord été publié par le site lejalon.com.
L’emploi des jeunes est l’un des principaux défis auxquels le Mali est confronté avec une population dont 83,6 % a, au plus, 40 ans et 65,5 % a moins de 25 ans, selon des statistiques officielles. Cependant, depuis des décennies, en raison de la combinaison de plusieurs facteurs, le marché du travail ne parvenait plus à absorber tous les jeunes diplômés et non diplômés, comme l’indique le document Analyse rapide des impacts socio-économiques du Covid-19 au Mali des Nations unies (mai 2020). La crise de la Covid-19 et l’absence de perspective de la part de l’État n’ont fait que plomber un marché déjà en difficulté.
Les conséquences de la pandémie de Covid-19, combinées à celles de la crise politico-sécuritaire, ont brisé l’espoir de milliers de jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi chaque année.
43,6% de pertes d’emploi
Selon une source à la Direction nationale du travail (DNT), entre le 1er avril et le 4 juillet 2020, 4 844 déclarations de mise au chômage technique des employés ont été enregistrées. Quant au rapport mensuel de l’enquête sur les conditions de vie des ménages au Mali, réalisée en juin 2020, il indique que la Covid-19 en est la cause pour 43,6% des pertes d’emploi.
De son côté, l’Observatoire national de l’emploi et de la formation (ONEF) en déduit que la Covid-19 est la principale cause enregistrée des pertes d’emploi sur la période. Ce taux est de 50,4% à Bamako et 39,4 % en milieu rural.
Les entreprises familiales ont aussi été impactées par la crise sanitaire, selon le rapport mensuel de l’enquête de juin 2020. En effet, la même enquête montre qu’au plan national, 4,9% des ménages possédant une entreprise familiale ont déclaré une perte du revenu par rapport au mois passé. Cette proportion est de 11,2 % à Bamako et seulement de 3,4% en milieu rural. Si des efforts spécifiques ont été faits pour soulager des ménages, tel ne semble pas le cas pour les nouveaux demandeurs d’emploi. En tout cas, au cours de ses investigations, aucune initiative, dans ce sens, n’a été signalée au Jalon.com.
Question de sécurité nationale
A la Direction nationale de l’emploi, un responsable explique que pour relever les nombreux défis liés à la problématique de l’emploi des diplômés, plusieurs programmes et projets ont été initiés, depuis des années, par le gouvernement, notamment le Programme emploi jeunes (PEJ), le Projet de développement de compétences et emploi des jeunes (Procej), le projet de Formation professionnelle, insertion et appui à l’entrepreneuriat des jeunes ruraux (FIER), le Fonds d’appui à la formation professionnelle (FAFPA).
Toutefois, en dépit des résultats enregistrés par ces différents programmes, le niveau d’insertion des diplômés n’était pas encore très satisfaisant avant la pandémie de Covid-19. Même si l’on reste convaincu au sommet de l’État que l’emploi des jeunes reste une priorité assimilable à une question de sécurité nationale, il nous revient qu’à part les dispositions précitées, les jeunes diplômés ne bénéficient d’aucune autre forme d’assistance de la part de l’État pour faire face aux conséquences de la pandémie.
« Tous les jours, nous restons à l’écoute de la chaine nationale. Nous consultons les réseaux sociaux, les sites des structures d’offres d’emploi. Nous sommes toujours à l’attente d’une perspective salutaire. La crise sanitaire a gâché tout », témoigne Fanta Diallo, titulaire d’une licence en droit privé, depuis deux ans.
Contraction économique
A l’Agence pour l’emploi des jeunes (APEJ), une structure étatique, à travers la formation, la création de microentreprises, on estime que les activités n’ont pas beaucoup souffert des conséquences de la Covid-19. Toutefois, une responsable contactée par Jalon.com soutient qu’il n’y a pas eu d’initiative spécifique de création d’emploi pour les jeunes dans le cadre de la pandémie. Selon elle, la structure a plutôt poursuivi ses initiatives de soutien à la promotion de l’emploi des jeunes.
« C’est dans ce cadre que nous avons par exemple investi 150 millions de francs CFA à Mopti, dans les activités à haute intensité de main-d’œuvre (HIMO) (curage des caniveaux, posage de dalle…). Aussi, 500 entreprises fragiles recensées ont été accompagnées grâce au soutien de la Banque mondiale, en raison de 300 000 francs CFA par entreprise », dira-t-elle.
Selon Moussa Théra, un autre diplômé évoluant dans la vente des cartes de crédit Orange et Malitel au quartier de Magnambougou, les importantes mesures annoncées par le président de la République en faveur des ménages et des entreprises, aux premières heures de la crise, n’a pas profité aux jeunes. A part les quelques concours de recrutement aux différents corps des forces armées et de sécurité, il n’y a aucune perspective pour les jeunes.
Il faut dire que la pandémie de Covid-19 affecte profondément le Mali. La contraction économique enregistrée risque d’affecter la capacité de l’État à mobiliser les ressources domestiques nécessaires à son développement. Une augmentation brutale des pertes d’emploi observées, en particulier dans les secteurs tertiaire et secondaire, devraient être compensée par des mesures fortes d’accompagnement de la part de l’État pour les entreprises privées qui absorbent en grande quantité la main-d’œuvre.
- « Cet article est publié avec le soutien de JDH – Journalistes pour les Droits Humains et Affaires Mondiales Canada ».