En 2014, le Comité de pilotage de la concertation nationale sur l’avenir de l’enseignement supérieur au Mali recommandait de créer une institution d’enseignement supérieur dans les principales villes du pays. Aujourd’hui, aucune de ces institutions universitaires publiques n’a été créée, observe le blogueur Jean-Marie Ntahimpera.
Pour moderniser l’enseignement universitaire, le rapport du comité de pilotage recommandait en 2014, entre autres propositions, « l’accélération de la déconcentration de l’enseignement supérieur ». En effet, c’est parce que presque toutes les universités publiques sont concentrées à Bamako et submergées qu’on y observe des scènes surréalistes, comme le manque de place.
A cette fin, le comité de pilotage proposait de créer une institution d’enseignement supérieur dans chaque principale ville du Mali, notamment à Sikasso en 2015, à Mopti en 2016, à Kayes en 2016, à Gao en 2017, à Kidal en 2018, à Tombouctou en 2018 et à Koulikoro en 2020.
Un projet trop ambitieux
Aujourd’hui, en 2019, aucune de ces universités n’a été construite. Et pourtant, il le faut. « Sikasso mérite une université. C’est quand même la ville la plus peuplée du Mali après Bamako », martèle Soumaïla, un étudiant ressortissant de la région.
« De mon expérience personnelle, je sais que beaucoup d’étudiants venant des régions souffrent à Bamako, faute de toît ou de soutiens financiers. S’ils avaient des universités dans leurs villes, ils pourraient étudier de chez eux et s’épargner cette souffrance. Et la majorité des étudiants qui parviennent à s’en sortir à Bamako décident de s’y installer pour de bon, alors que leurs régions ont besoin d’eux », se désole Nathalie Sidibé, une activiste originaire de Kayes.
Certes, on peut reprocher au comité de pilotage d’avoir mis la barre trop haute : aucun gouvernement, aussi bien intentionné soit-il, ne peut construire sept universités en cinq ans. À part les moyens financiers non négligeables qu’un tel projet nécessite, la construction de toutes ces institutions nécessiterait au moins de doubler le nombre d’enseignants d’université que possède le Mali en cette période. Ce qui est difficile, étant donné que même les universités déjà en place ont du mal à trouver des enseignants de qualité. Mais ce problème peut être réglé en recrutant des enseignants venant d’autres pays, sans discrimination de nationalité.
On peut évoquer aussi l’impossibilité de construire des universités dans certaines régions pour des raisons de sécurité. Si 750 écoles ont été fermées à cause du terrorisme dans les régions du centre et du nord du Mali, on ne peut pas s’empêcher de se demander comment on peut construire des universités dans ces régions dans ces conditions.
Proposer de nouvelles filières
Malgré ces défis, la déconcentration de l’enseignement supérieur ne devrait pas être abandonnée pour autant. Il faut en faire une priorité, sauf dans les régions où la sécurité ne le permet pas encore. Outre qu’elle contribuerait de différentes façons au développement des régions où seraient implantées ces nouvelles universités, la déconcentration permettrait aussi de proposer aux étudiants de nouvelles filières qui correspondent aux nouveaux besoins du pays.
L’un des griefs contre les universités maliennes, c’est qu’elles proposent des filières trop généralistes qui ne permettent pas aux lauréats de trouver des emplois sur le marché du travail, qui a de plus en plus besoin de ressources humaines spécialisées. Il faut que ça change.
Le Ghana, un modèle à suivre
Un pays qui a réussi une telle déconcentration en Afrique de l’Ouest et dont le Mali peut s’inspirer est le Ghana. Juste après l’indépendance, le Ghana a créé en 1948 l’Université du Ghana dans la capitale, Accra, et l’Université Kwame Nkrumah des sciences et technologies dans la deuxième ville, Kumasi, en 1952. La troisième, l’Université de Cape Coast, a été créé dans la Région centrale en 1962. C’est dire que la déconcentration de l’enseignement supérieur était déjà parmi les préoccupations de Kwame Nkrumah.
Ces trois universités publiques ont été complétées par une série d’universités spécialisées dans les années 1990. L’Université de l’Éducation, Winneba, a été créée en 1992 dans la Région centrale, suivie par l’Université des études du développement à Tamale dans la Région du Nord, en 1992.
Ensuite, ont suivi l’Université des mines et de la technologie dans la Région de l’Ouest en 2001, l’Université des sciences de la santé dans la Région de Volta en 2011, et enfin l’Université de l’énergie et des ressources naturelles a Sunyani dans la Région de Brong-Ahafo. Donc aujourd’hui, presque chaque région du Ghana a une université publique spécialisée dans les besoins du terroir.
C’est ce dont le Mali a besoin. Et si le Ghana l’a fait, le Mali peut aussi le faire.