Au Mali, des établissements scolaires privés ressemblent plutôt à des taudis qu’à une fabrique d’âmes citoyennes.
À Bamako, on trouve des établissements qui abritent les enfants dans des maisons inachevées, au contact des lézards, fourmis, souris, etc. L’eau potable ainsi que des toilettes adaptées restent le rêve des élèves de ces écoles. Les quartiers périphériques de la capitale malienne, comme Kabala, sont leaders dans cette pratique.
A Kabala, au sud-est du district de Bamako, étudiant dans un enclos en paille, des enfants fréquentant un jardin d’enfants ont, un jour, été surpris de trouver de la cendre à la place de leur classe. L’enclos en paille est parti en fumée. Quelle chance que l’incident se soit produit à une heure de pause !
Des écoles en paille
Pourtant, combien sont les écoles, publiques et privées, qui sont en pailles au Mali ? Elles sont nombreuses malgré que cela ne soit pas conforme aux lois de création et d’ouverture d’établissement, notamment privés. Ces constructions ne favorisent pas la culture de l’excellence tant prônée par nos autorités.
Le décret 94-276 / PRM fixe les modalités d’application de la loi portant statut de l’enseignement privé en République du Mali. Ce décret précise les normes auxquels tous les promoteurs doivent se conformer pour bénéficier d’une autorisation d’ouverture d’école. « Un plan détaillé des locaux et des installations sanitaires, le tout agréé par le service de l’habitat », précise-t-on dans l’article 4 dudit décret, doit être fourni pour bénéficier d’une autorisation d’ouverture.
Conditions non respectées
Ce n’est pas tout. A. Koné, censeur d’un lycée privé à Bamako, m’indique que le plus important est le plan de fondation qui renseigne sur la capacité d’accueil, la qualité des salles, etc. Ainsi, la dimension convenable d’une salle de classe est de 7/8 m2, soit une capacité d’accueil de 42 à 45 élèves par classe. En plus de tout cela, chaque établissement doit prévoir une aire de récréation, un centre de documentation et d’informatique (CDI), une clinique interne pour les premiers soins en cas de maladie, précise cet administrateur scolaire avant de déplorer que rares sont les établissements qui remplissent ces conditions.
Pourtant, explique un autre directeur d’école privée à Bamako, une fois le plan détaillé présenté, des experts sont déployés par les autorités éducatives afin de constater la conformité du local aux conditions requises pour abriter des enfants. « Avant de te livrer l’autorisation, souligne DD, des experts viennent constater l’emplacement de l’établissement, la capacité d’accueil des salles de classe, la disponibilité de l’eau potable, la disposition des toilettes. ».
En effet, le ministre chargé de l’ordre d’enseignement « fait vérifier par ses services les propositions et les diverses pièces du dossier, les infrastructures et les équipements », souligne-t-on dans l’article 10 du décret.
Indifférence et favoritisme ?
Rien n’explique donc ces déviations qui se font sans sanction ! Indifférence des autorités ou favoritisme ? C’est probablement tout à la fois. Car, si réellement tout le processus indiqué était bien suivi, sans arrangement aucune, les écoles ne respectant pas la réglementation n’existerait. Selon M. Koné, « le problème est qu’on autorise n’importe qui à ouvrir une école alors que les textes exigent d’être du domaine éducatif pour être autorisé à le faire ». La plupart des promoteurs d’école sont devenus, déplore-t-il, des acteurs économiques.
Fermer les yeux sur ces écoles en pailles, c’est se montrer indifférent à l’avenir de toute une génération d’écoliers. Cependant, dans des cas exceptionnels, on peut admettre la présence de ces écoles. Ces exceptions, selon moi, se limitent aux zones de conflit où les terroristes ont saccagé des établissements scolaires. Alors, pour ne pas laisser les enfants à eux-mêmes sans cours, il me parait nécessaire de faire recours à ces genres de construction qui seront soumis à un contrôle de haut niveau afin de limiter toute possibilité de nuisance aux élèves (en attendant que de meilleures soient construites).
Voyant toutes les mesures prévues dans le décret d’ouverture ainsi que le plan de fondation, je ne peux que tenir l’État pour responsable de l’existence de ces établissements de mauvaises constructions. Leur existence sur la chaîne scolaire traduit le manque de suivi par les experts de l’État. Il importe alors que les autorités maliennes, en charge de l’éducation, veillent sur l’application stricte des textes qui régissent le système scolaire.